ft. Akane >> Le chant du canari

C’était un matin comme un autre, ou presque. C’était normalement jour de chasse, les ressources de nourriture du manoir ayant bien diminué, le nombre de bouches à nourrir grandissant continuellement.

Un bon jour pour se vêtir de rouge. Elle se rendrait assez loin du domaine pour chasser en paix, faire des allers retour ne la gênant pas, le tout allant assez vite une fois dans le ciel.

Il s’avérait aussi qu’elle avait reçu une missive de la petite Kiyo, la petite Ningyo qu’elle avait recueillie il y a si longtemps. La petite était partie depuis un certain temps, désireuse de rejoindre une troupe dont elle avait entendu parler, une troupe qui la laisserait chanter librement et en sécurité.

Akane l’avait donc vu partir, le cœur alourdit de peine. Mais savoir qu’elle passerait dans la région lui avait fait plaisir, il serait ainsi possible pour la Tengu de rencontrer cette fameuse troupe. Elle avait ouï dire des rumeurs qui avaient circulé une centaine d’années auparavant, des gens bien meurtriers qui avaient causé de belles paniques, de vieilles histoires plutôt amusantes à ses yeux.

Avant de partir elle avait saisi la fleur à l’extérieur de la maison, signal qu’elle serait absente ces prochains jours. Elle devait regrouper des ressources pour un petit bout de temps, l’anniversaire de Sasori approchant elle lui rendrait certainement visite, il fallait donc que les enfants ne manquent de rien durant son absence.

Abandonnant sa forme humaine, elle laissa ses ailes se dévoiler dans son dos, les étirant pour les détendre avant d’effectuer une poussée vers le ciel et de s’envoler, libre dans le ciel cherchant ses futures proies et guettant également la caravane où était sa protégée.

La chaleur se faisait déjà sentir alors que le soleil ne devait être levé que depuis une ou deux heures, heureusement que l’air frais des montagnes était toujours là pour la rafraîchir légèrement.

Cependant plus elle descendait vers les plaines moins l’air frais lui parvenait, la forçant à baisser son altitude pour être plus discrète et pour échapper à la chaleur qui lui chauffait les ailes.

Après l’heure de vol Akane avait décidé de prendre une pause non loin d’une grande plaine, dissimulée à travers les arbres, du bruit se faisant entendre non loin sur la dite plaine. Rien de discret, certainement des humains de passage, rien ne lui coûtait de vérifier.

Elle fut cependant bien vite distraite de ce qu’elle allait faire par un brouhaha de voix et de bruits animaliers plus loin d’elle, pas un bruit commun que faisaient des humains en se déplaçant, peut-être était-ce la troupe qu’elle recherchait, après tout, c’était la période indiquée dans la lettre, et de toute manière qui que soient ces autres personnes, humains ou non ils pouvaient attendre, ils n’étaient d’aucune importance face à Kiyo.

C’est donc à pied qu’elle longea la forêt, à une rangée d’arbres à peine de la plaine, gardant le regard fixé sur ceux qu’elle cherchait réellement, gardant tout de même une oreille attentive sur l’autre groupe afin de réagir en conséquence en cas d’attaque ou autre.

Akane se trouvait maintenant assez proche de la drôle de troupe pour confirmer que c’étaient bien ceux que devait avoir rejoint la petite Kiyo. Ils faisaient un groupe étrangement disparate d’animaux particuliers et de Yokai se faisant admirablement passer pour humains. À la tête de tout ça, elle pouvait observer une femme, une posture droite et des cheveux de neige. Quittant sa position aux abords de la forêt, elle entreprit d’avancer d’un pas assuré vers la caravane, les ailes toujours déployées dans son dos, l’allure fière et un sourire aux lèvres, pour une fois elle n’était pas véhémente, elle donnerait du respect à chaque personne qui prenait soin de ses protégés, mais à l’opposé se débarrasserait de tous ceux qui leur voudraient du mal.

Si les êtres à l’autre bout de la plaine s’avéraient être bel et bien une menace, alors elle aiderait ces Yokai à s’en débarrasser, ensuite elle ferait connaissance de cette drôle de troupe.

Le vert de la prairie semblait faire écho à celui de la forêt, et au milieu de toutes ces nuances émeraude une tâche rouge. Sanglante comme toujours, fière également, Akane réduisait la distance qui la séparait de cette troupe.

Pas le moins du monde effrayée de s’approcher de tant de Yokai, elle sentait l’adrénaline monter, s’ils l’attaquaient, elle en serait certainement ravie, même si c’est pour toute autre chose qu’elle s’approchait. Ce frisson de bonheur à l’approche d’un potentiel conflit, elle ne s’en débarrassait jamais, toujours prête à se jeter sur des proies potentielles.

Le seul élément extérieur qui ferait qu’elle resterait calme, c’est si un enfant yokai s’interposait dans un combat, elle savait pertinemment que jamais elle ne blesserait un enfant ainsi.

Une femme avec une grande prestance se tenait à la tête de la caravane, elle était réellement charismatique, en s’approchant Akane ne put que remarquer le regard fixé dans sa direction de la femme, un regard qu’elle connaissait chez les oiseaux, chez les gens comme elle.

Le sourire s’étirant elle observait le reste de la troupe, plutôt hétéroclite, des yokais divers l’observaient également, sous forme humaine ou animale, plutôt discrets si on ne savait pas ce qui faisait face.
La même femme qui était déjà en tête vint se placer entre Akane et la troupe, prête à tout semblait-il. Protéger les siens était louable, dans la mesure du raisonnable.

Alors qu’elle était encore à une dizaine de pieds de la caravane, elle fut accueillie par un « Bienvenue » fort et clair, comme intimant de ne pas plus avancer. D’un simple hochement de tête, elle salua en retour, par politesse, ralentissant légèrement son allure de marche, mais ne s’arrêtant pas pour autant.

L’animosité emplissait l’air, du moins c’est ce que ressentait Akane à son égard, Bienvenue n’était qu’une forme de politesse, une méfiance nécessaire et parfaitement sensée.

« Modoru, c’est donc ainsi que vous vous nommez… Je suis ravie de vous avoir trouvé, j’ai eu de la chance, il semblerait. Je venais juste voir si vous preniez soin de Kiyo, si elle vous avait bien rejoint. Rien de plus. »

Elle scrutait un peu plus encore tous ces gens qui l’observaient en retour, c’est qu’elle appréciait toujours se faire remarquer, il était éternellement agréable d’être le centre de l’attention.

C’est à moins de trois pieds qu’elle s’était finalement stoppée, plongeant son regard rouge dans celui sombre de son interlocutrice. Aucune once de menace n’émanait d’Akane, seulement son comportement était tel qu’elle faisait savoir qu’elle se sentait supérieure. Elle était fidèle à elle-même, envahissant l’espace personnel de la femme en face d’elle sans aucune gêne.

Elle recula rapidement cependant en se concentrant sur les bruits qui s’approchaient de plus en plus, s’ils étaient une menace en face alors elle devait être prête à se jeter sur eux sans aucune pitié.

« Nous remettrons les formalités à plus tard, il se peut que nous partagions notre premier bain de sang avant nos noms. »

Carnassière, elle souriait maintenant à pleines dents, si le conflit était à venir alors elle se ferait un plaisir de faire jaillir le sang du corps de ses ennemis. Si les arrivants étaient pacifistes alors elle ne ferait rien, elle ne voudrait pas poser de soucis à ceux qui acceptent Kiyo.
D’un signe de tête à l’étrange meneuse, elle recula légèrement vers l’arrière de la caravane pour dissimuler ses ailes au premier venu.

« Sachez juste que je ne suis pas là pour vous agresser. »

Ce furent les derniers mots prononcés sereinement avant qu’elle ne se dissimule du mieux qu’elle le pouvait de ces êtres qui approchaient. Il valait mieux qu’ils ne voient pas ses ailes dans un premier temps.