first met between the fox & the dogs | Sesshomaru

first met between the fox & the dog

Les années, les siècles d’existence, sont passés.

Emplissant sa mémoire de souvenirs auxquels il ne prête aucune attention. Les paysages défilent sous ses pieds, comme l’ont fait tant de vies.

Depuis son plus jeune âge, il avait conscience que tout ce qui l’entourait n’était qu’éphémère. Qu’un jour ou l’autre, tout était condamné à disparaître. Il ne resterait rien, rien que les cendres d’où émergeraient de nouvelles pousses. Des bâtiments s’écroulaient, leurs pierres servaient à d’autres bâtisses. Des humains mouraient, remplacés par d’autres âmes, dont la vaillance n’égalait que la fugacité. Sesshomaru s’était toujours considéré comme un voyageur, traversant ce monde jusqu’au jour où son propre chemin se terminerait. Mais la Mort ne venait jamais à lui.

Elle le devançait. Malicieuse, elle saisissait parfois sa main, souriait face aux massacres qu’il semait, jusqu’à s’échapper de Lui. Elle l’effleurait de son souffle glacé, menaçait sa vie de ses crocs effilés, mordait sa chair à pleines dents, pour le laisser, ivre de souffrance. D’une existence qui brûlait ses veines. Ses yeux d’or, emplis d’une fièvre que le sang n’apaisait pas, d’une faim que la chair ne parvenait pas à satisfaire, d’une rage que l’amoncellement de cadavres ne suffisait pas à apaiser.

La vie fuyait à vive allure, jusqu’au jour où Rin croisa sa route.

Cette enfant. Cette misérable humaine qui s’était présentée à lui. Les mains garnies d’offrandes, les yeux, emplis d’admiration. Elle venait à lui, inlassablement, bien qu’il l’ait tant de fois rejetée ou ignorée. Jusqu’au jour où, enfin, Sesshomaru accepta de tourner ses yeux vers elle. De s’intéresser à elle.

Ses yeux levés vers lui. Son corps minuscule, ses blessures, son visage tuméfié, les dents manquantes quand elle lui sourit. Il en a tant tué sans même les regarder. Sans même les remarquer. Mais elle, il explore avec surprise la joie qu’elle affiche, la douceur de ses traits, l’innocence dans son regard. Elle revient, à plusieurs reprises, jusqu’au jour où son âme, si douce, frémit.

Sa flamme, prête à s’éteindre.

Alors, pour la première fois de sa vie, Sesshomaru ressent un frémissement de la part de Tenseiga. Il sent la Mort, il reconnaît son ombre lorsqu’Elle se penche vers l’enfant. Son souffle, si froid, qu’un peu de vapeur s’arrache de sa propre lame quand il la dégaine. La Mort lève la tête. D’un mouvement de son arme, Sesshomaru l’écarte.

Il s’est retourné contre Elle.

Contre cette vie qu’ils ont menée ensemble. La Mort se contente d’un pouffement amusé, Elle abandonne l’enfant, Elle la lui laisse. Sesshomaru recueille la petite entre ses mains griffues, la ramène contre son torse, caresse ses cheveux bruns.

Rin lui ouvre les yeux sur ce monde qu’il a ignoré. Elle le mène jusqu’aux parterres de fleurs, s’arrête pour les sentir voire les ramasser. Elle s’élance sur les chemins, grimpe sur les murets, le cherche du regard. Lui montre les animaux qu’ils croisent, ramasse une pomme qu’elle mange à ses côtés. Son minois, éclairé d’un sourire radieux quand il lui confie un bol de riz. Elle mange avec envie, savourant jusqu’au plus petit grain, avant de se blottir contre lui. Ensemble, ils observent la venue de la nuit. L’apparition des étoiles. Il écoute son souffle, quand elle dort, enveloppée de son écharpe, pelotonnée contre lui.
Mais aujourd’hui, il est sans elle.

Il sent son absence. Il n’y a pas son pas, qui trottine près de lui. Pas le contact de sa main qui se faufile jusqu’à saisir ses longs doigts griffus. Il n’entend pas son rire et le seul éclat qu’il perçoit est celui du soleil. L’astre le nargue, depuis son ciel. Sesshomaru s’arrête et lève les yeux pour l’observer en silence. Où se trouve-t-il ? Ses prunelles s’élèvent jusqu’aux sommets des montagnes, s’évadent sur la surface d’un lac, grimpent un chemin qui s’éloigne.

Où va-t-il ? Il s’éloigne d’elle. Chaque pas l’écarte de Rin et le vide, dans son cœur, s’accroît. C’est une sensation désagréable. Comme une plaie béante. Pourtant, il ne saigne pas. Il sent cette douleur, sans savoir quoi en faire. Il n’a aucun moyen de la soigner, de toute façon. Il ne peut que se contenter d’avancer et d’espérer que cette sensation s’effacera. Les yeux mi-clos, un soupir s’arrache de ses lèvres et il reprend sa marche.

Il devine une silhouette. Une chevelure immaculée, mais indisciplinée, surmontée d’oreilles malicieusement dressées. Un Kitsune ? Ses yeux se plissent à peine. Sans être aux aguets, Sesshomaru se veut vigilant. Il approche d’un Temple, qu’il sait gardé.
Comment des Yokaï peuvent accepter l’idée de s’enchaîner à un lieu pour le protéger ? Pourquoi sacrifient-ils leur liberté, pour des humains qui mourront et ce, quoi qu’ils puissent faire ? La futilité d’une telle quête le saisit de plein fouet. Et lui rappelle sa propre incompréhension.

Qu’est-ce qui a changé chez lui ?

Qu’est-ce qui a changé, pour qu’il ne parvienne plus à se satisfaire de sa solitude, pour qu’il n’ait plus le désir de tuer et d’errer sans buts ? Il pense à elle. Elle est toujours dans son esprit. Son souvenir, sa présence, le poids de son absence qui pèse dans sa cage thoracique, comment se débarrasser de cette pierre qui tire son cœur au plus profond de ses viscères ?

Troublé, Sesshomaru ferme à demi les yeux, étudiant les familiers d’une œillade méprisante. Ses yeux se relèvent vers le Yokai Gardien. Pense-t-il qu’il vient menacer son territoire ? Mais n’en sont-ils pas éloignés ? Ah, avec les années, ses souvenirs s’étiolent et le monde change. Les frontières ne sont plus ce qu’elles étaient – et quel intérêt un être comme lui accorde-t-il à ces limites humaines ? Ces êtres dessinent le monde et imposent aux autres leurs juridictions.

_ Le Lac Lunaire…

Est-il allé si loin ? Le croissant sur son front témoigne-t-il d’une quelconque appartenance avec la Lune ? Décontenancé, Sesshomaru n’en laisse pour autant rien paraître : ses yeux s’évadent jusqu’au lac, qu’il contemple en silence. De longues minutes. Le temps nécessaire pour se retrouver dans ses souvenirs.

_  Es-tu l’être qui protège ces lieux ?

Interroge-t-il, de sa voix grave. Elle est en contraste à son apparence distinguée, éthérée. C’est une voix viscérale, grondante, qui provient du tréfonds de ses entrailles. Une Bête reste, sous ce masque mortuaire et ces traits figés

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Le Yokai soutient son regard.

Il se retient de lever un sourcil, presque interrogateur. Que cherche-t-il ? A l’affronter ? Ou bien se contente-t-il de l’étudier ? Soit. Qu’il l’observe, à loisir : Sesshomaru n’en a cure. Il n’accorde pas la moindre attention aux familiers et se contente de lever les yeux, à la recherche d’un temple ou d’une toute autre bâtisse témoignant de l’appropriation humaine d’un lieu sacré. Ces mortels ne craignent-ils pas de souiller la pureté de ces lieux par leur seule présence ?

Et dire que la protection de cet endroit revient à l’un de ses congénères. Est-ce un jeu du destin ? Ou s’est-il seulement saisi d’une opportunité qui s’offrait à lui ? Est-ce son héritage ? Les questions défilent, à un rythme lent, dans son esprit. Quel est le sien,  à lui ? Sa main effleure songeusement la poignée du sabre accrochée à sa hanche. Il a longtemps crû qu’il s’agissait de la guerre ou des massacres. Jusqu’à recevoir Tenseiga. S’était-il fourvoyé, toutes ces années ? A moins que son père n’ait commis une dernière erreur, avant de mourir.

_ Indirectement ? Relève Sesshomaru.

Il ne revient ni sur le sacré de ces lieux, ni sur les raisons de sa présence. Il n’a pas à savoir ce qui le pousse à errer ; voyageur, il a passé son existence à traverser les terres et les cieux, porté par son ambition, une mission qu’il s’était confiée. Celle de purger le monde des faibles. Jusqu’à réaliser que ce but était d’une simplicité manichéiste insultante. Comment avait-il pu être conduit par cette naïveté ? Au fur et à mesure des années, cet objectif avait perdu de sa pertinence, sans qu’il ne parvienne à l’abandonner : c’eut été la seule raison qui le poussait à avancer.

Jusqu’à ses combats avec InuYasha, la rencontre de Rin, la mort de Kagura – une mort si inutile. Déplorable. Indigne de son rang et de sa puissance. Il ne l’avait pas sauvée. Par pitié ? Ou pour lui laisser le peu de dignité qu’elle avait tenté de récupérer ? Quelle était la valeur d’une vie ? Comment juger son importance ? La valeur du cœur était insuffisante et des plus subjectives. N’était-ce pas aux Êtres eux-mêmes de définir leur importance ? A quoi se référaient-ils ? A leurs valeurs. Quelles étaient les siennes ?

_ … Puis-je voir ce lieu que tu protèges ?

Ses prunelles se redressent dans celles de Yuki, qu’il étudie longuement. Ses yeux sont d’un or incisif. Et pourtant, étrangement affaibli en cet instant. Troublé, par ses réflexions. Il n’agit plus en tant que Bête, il n’est plus seulement conduit par ces désirs les plus viscéraux. Comme tant de Mortels, il se demande quelle est sa place en ce monde. Son rôle.

Protéger… Ces mots font écho à ceux que son père n’a eu cesse de lui répéter. Protéger. Protéger. Il a tant protégé qu’il s’est sacrifié, comme si sa vie ne valait pas celle des autres. Pourquoi ? Il ne comprenait pas son acte. Sesshomaru n’approcha pas davantage, oh, les familiers ne l’effrayaient pas… Mais il n’avait aucun intérêt à les tuer. Songeusement, Sesshomaru perd sa main dans le pelage de son écharpe.

_ N’est-ce donc pas contraire à ta nature de protéger un lieu ? Pourquoi un lieu et non pas des Hommes ?

Comme Sasori le faisait ? Ces lieux étaient-ils habités ? Ou se contentaient-ils de recueillir des âmes errantes ?

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