Forgive me for being a fool. (Flashback) ft Aka

Depuis ton réveil, Kiseki ne te lâchait pas d’une semelle. Entre les aliments verts qu’il te forçait à manger, argumentant son choix par un rétablissement plus rapide, tu sentais tout de même un peu de vengeance dans son attitude. Toi qui aimais la viande, et pas n’importe laquelle en générale même si tu ne te permettais plus de faire le difficile, tu étais contraint de manger de l’herbe, des légumes, des fruits. Et pas les meilleurs, tu savais que ton frère s’arrangeait pour te faire découvrir un autre aspect de la vie avec ces repas. Tu ne rechignais jamais, bien que quelques grimaces étaient passés sur ton visage, tu ne refusais pas ce qu’il te donnait. Tu avais conscience que tu avais inquiet beaucoup de personnes ; ton père, ton frère, les habitants de votre demeure, ceux au service des Ryomen-sukuna, et bien sûr, Akane. Cela t’avait légèrement surpris d’ailleurs. Elle qui était si froide, si fière, elle était très présente au domaine depuis ton « accident ».

Ce n’était pas facile de simuler une amnésie. Cependant, ce qui se révélait être un réel défi, c’était bien sûr, cacher la vérité à ton frère, et inventer toutes sortes d’excuses pour tes cauchemars, tes nombreuses insomnies, tes angoisses ingérables par moment. La mort de Chiaki te causait énormément de sautes d’humeur, bien que tu les comblais par de l’activité constante. Tu ne restais jamais sans rien faire. C’était rare quand Kiseki te quittait. Tu avais interdiction de t’entraîner, tu devais d’abord reprendre des forces avec les repas super équilibrés et verts de ton cadet. Il arrivait par moment que Kiseki s’échappe de la demeure pour s’occuper de certaines choses, tu en profitais évidemment pour faire quelques exercices, tout en faisant attention à ne pas ralentir ta guérison. Ton jumeau te tuerait.

C’était donc un de ces jours où Kise était occupé et tu en avais marre de tourner en rond dans ta chambre à attendre que le temps passe, sans rien faire. Tu avais alors enfilé rapidement un kimono, à moitié comme à ton habitude, laissant cette horrible cicatrice trôner librement sur ton torse. Tu jetas un regard à travers la fenêtre afin de constater une légère pluie tomber sur la province, tu te perdis quelques minutes dans tes pensées. La pluie te rappelait certains événements que tu voulais oublier …

Tu avais envie de prendre l’air, de quitter cette pièce que tu connaissais sur le bout des doigts à présent. Tu t’échappas alors dans les jardins du domaine, avec l’idée de vider ton esprit, de profiter des températures en-dessous de dix degrés Celsius. Tu marchais tranquillement, sans prétendre aller dans une direction particulière, et puis une odeur familière traversa les gouttes de pluie. Avec une démarche assurée et confiante, comme à ton habitude, tu la suivis. « Que fais-tu dehors, sous la pluie ? Tu n’avais pas envie d’entrer, et me voir ? »

Le jardin était calme à cette heure-ci. Pas de visiteurs impromptus, indésirés dans les alentours, tu pouvais donc te balader tranquillement sans avoir à faire semblant. Ta mine était beaucoup plus détendue et naturelle que depuis ces derniers jours. Étant seul, tu pouvais te permettre d’être peiné. Non, bien plus que peiné, tu étais lourd d’émotions, de souvenirs, de tristesse. De deuil. Ton regard vide se perdit dans l’immensité du ciel jonché de nuages gris, presque orageux. La pluie se déversait sur ton visage, comme les larmes silencieuses que tu ne laissais plus couler. Tu ne pouvais plus. Tu n’avais plus le droit.

Alors que tu étais quelque peu loin de ce jardin que tu avais déjà sillonné de fond en comble des siècles auparavant, tu sentis une légère odeur familière te parvenir. Reprenant bien trop vite tes esprits, tu laissas tes yeux se balader sur les haies, les fleurs, les allées, afin de percevoir une chevelure aussi rouge que le sang d’un nouveau mort.

Lorsque tu réussis à la voir, tu ne la rejoignis pas tout de suite, te permettant de l’observer avec attention. Pourquoi était-elle dans la demeure si elle ne passait pas te voir directement ? Décidément, tu avais compliqué énormément de choses ces derniers temps, même pour les plus forts comme Akane. Tu semblais avoir chamboulé quelque chose à l’intérieur d’elle, son expression soucieuse et pensive ne pouvait te tromper. Cependant, tu avais décidé de mentir. De lui mentir. De mentir à Kiseki. À tout le monde. Tu devais faire semblant, tu devais agir comme s’il ne s’était rien passé. Pour n’inquiéter personne plus que de raisons. Cela ne changerait rien d’en parler, de revenir dessus, un humain ne peut ressusciter.

Tu repris donc tes grands airs, ceux auxquels ta femme était habituée depuis tant d’années, et te décida de la rejoindre d’un pas confiant, sûr de toi. Tu te coupas de tes émotions douloureuses, elles auraient bien le temps de revenir à l’assaut plus tard. Enclenchant un début de conversation, tu te détendis lorsqu’elle se moqua de toi. « Il serait dommage que mon épouse devienne un glaçon, je m’ennuierai sans toi. » Un sourire hautain naquit sur tes lèvres à mesure que tu te rapprochais d’elle, que tu répondais à son sarcasme. « Des légumes oui … Kiseki se venge, je le sais bien, mais ai-je la force de lui refuser quoi que ce soit ? » Un soupir suivit cette phrase, non tu n’en étais absolument pas capable. C’était d’ailleurs la seule personne à pouvoir faire n’importe quoi du grand Sasori.

« Ils peuvent courir, et moi j’ai à peine le droit de descendre les escaliers deux à deux. C’est surtout ça qui est épuisant. » Tu passas ta main sur ton front, dégageant par la même occasion ta peau recouverte par des mèches trempées pour les rejeter en arrière. « J’apprécie tes visites. » Même si tu sentais bien qu’elle se posait tout un tas de questions sur ton absence, sur tes agissements après qu’on t’ait retrouvé. Tu ne pouvais rien dire. Tu ne voulais pas en parler.

Tu te rapprochas de la fontaine pour apercevoir ton visage si fade, si mince, ayant perdu son éclat d’antan. Tu ne te trouvais plus aussi beau, tu ressemblais davantage à ton père avec cet air presque sage. La folie de ton regard avait disparu, tout comme tes sourires ravageurs n’avaient plus le même effet. Tu poussas un soupir, las de voir cela, déçu de ce que tu renvoyais comme image. « Je suis comme un mort vivant qui essaie d’utiliser ses capacités humaines. Kise ne me laisse pas m’entraîner à nouveau. Et bien que les cicatrices soient viriles et dignes d’un mâle comme moi, je ne suis pas fier de celle-là. » Tu jetas un regard de biais à ton amie d’enfance, et un léger sourire souleva les coins de ta bouche. « Mais tu es ma femme, tu n’as pas le choix que de m’accepter, n’est-ce pas ? »