Insane. Ft Anken

Cela te faisait bien bizarre de te réveiller dans un lit douillet. Dans TON lit. Tu regardais le plafond depuis quelques minutes déjà, et pensais à tout un tas de choses. Comme si les dernières semaines n’avaient été qu’un rêve, un songe parmi tant d’autres. Une divagation de ton esprit désirant vivre des aventures. À bien y repenser, tu avais aujourd’hui l’impression que ton vœu réalisé le soir du festival aux lanternes au temple des Higurashi avait été exaucé alors que tu n’avais pas lâché la boule de papier dans le ciel. C’était étrange, une sensation vraiment bizarre. Ce que tu ressentais était complexe, tu ne parvenais plus à différencier le vrai du faux. Le rêve de la réalité. Pourtant, tu essayais, depuis environ une semaine.

Tu posas un pied au sol en faisant une liste psychologique des choses qui te prouvaient que tu n’étais pas fou. Tu avais été viré de tes jobs, parce que tu avais disparu quasiment un mois. Isuzu ne te lâchait plus d’une semelle, et elle avait fait plusieurs malaises lorsque tu avais débarqué d’un coup devant sa porte. Tu étais couvert de boue, de poussière, et elle t’avait dit que ton attitude avait changé, que quelque chose t’était assurément arrivé pendant ces trois semaines d’absence, sans pouvoir mettre un mot dessus. Elle était vraiment perplexe, et lorsque tu lui avais raconté sans détours ce qu’il t’était arrivé, elle t’avait simplement écouté. Les questions qu’elle t’avait alors posé sur cette époque, sur les Yôkai, les folklores, les paysages … Tu avais pu y répondre avec précision, et sur cela, même si elle se demandait si tu ne t’étais pas cogné la tête, elle te croyait.

Tu avais donc plus ou moins repris une vie normale, même si tu ne travaillais plus, même si tout te semblait flou. Comme si la vie n’avait plus aucun intérêt. Tu n’étais plus animé par le fait de découvrir des choses, par l’émerveillement des lieux. Tokyo semblait bien fade à côté de Kawagoye. Et pourtant, tu ne connaissais que ce petit village et ses alentours. Tu avais la sensation d’être vide, de ne plus avoir d’énergie. Avais-tu imaginé Anka ? Avais-tu vraiment vu Kagome de l’autre côté du puits ? Tu n’étais plus sûr de rien. Isuzu était ton seul vrai repère pour ne pas te perdre, pour ne pas t’égarer dans ton esprit brumeux.

Après quelques heures à tourner en rond, tu avais finalement décidé de prendre la route pour le temple Higurashi. Tu y allais au moins une fois par jour, t’approchant du puits, pour le regarder des minutes durant, te posant mille et une questions. Tu repartais finalement chez ta cousine pour retourner dans une sorte d’état second. C’était étrange. Vraiment étrange. Ce jour-là était différent des autres, dans le sens où, quelque chose te rendait perplexe. Des frissons désagréables parcouraient ton échine, et une sensation d’être observé te rendait mal à l’aise. Tu te mis à chercher autour de toi, quelqu’un dans les alentours, une personne qui te fixait mais tu ne voyais rien. Absolument rien ni personne ne se trouvait dans les environs, alors quel était cette impression dérangeante ?

Tu te dis qu’il était temps de rentrer, de retrouver ton lit douillet, ta douche bien chaude, tes affaires sentant la douce lessive de ta cousine, mais tes membres étaient incapables de bouger. Tu étais sur tes gardes, à l’entrée de cette petite cabane abritant le puits dévoreur d’os. Sans crier gare, une ombre jaillit sur toi à une vitesse folle, mais tu parvins à l’esquiver de peu. La forme brumeuse ne perdit pas de temps pour revenir à la charge, mais tu ne l’attendis pas pour faire une roulade sur le côté, échappant de nouveau à son attaque. Tu ne savais pas d’où tu tirais des réflexes pareils mais tu n’allais pas te plaindre, bien au contraire. Tu te souvins alors du passé de tes ancêtres, des chasseurs expérimentés, chassant du gros bétails pour gagner leur pain et vivre en paix. Tu avais lu, sur un seul passage, le mot exterminateur, et tu avais compris. Ils ne chassaient pas le sanglier, ou l’ours, non, mais un tout autre type de créatures. Y avait-il un lien avec Anka ? Tu t’étais déjà posé la question.

Anka. Ton esprit s’arrêta de réfléchir pour te focaliser sur cet être qui te méprisait au plus haut point. Cependant, sur le moment, c’était sans doute le seul à pouvoir te sortir de ce pétrin. Si, bien entendu, tu n’inventais pas des choses. Sur un moment d’inattention, la forme étrange s’abattit sur toi, et ton esquive fut plus lente, ce qui te valut une vilaine plaie sur le bras. Au moins, maintenant, tu étais sûr de toi, tu n’étais pas fou. Tu te précipitas à l’intérieur du cabanon avec la ferme intention de sauter dans le puits, mais, tes mains sur le rebord, tu hésitas. Et si ça ne fonctionnait pas ? Et si tu avais rêvé de ces semaines passées à tolérer Anka ? Et si tu avais imaginé tout un monde ? Et si tu étais tout simplement devenu fou et que tu te faisais du mal toi-même sans en prendre conscience ?

Perdu dans des tourments terribles, tu ne vis pas la créature bondir sur toi, dans une forme totalement abjecte, vous faisant basculer tous les deux dans le puits. Une lueur bleuté t’entoura alors que le monstre essayait de t’entourer de ses bras visqueux. Tu te débattais comme un sauvage, tu lui criais de te lâcher, et lorsque finalement, tu te rendis compte que des os étaient éparpillés autour de toi, tu compris. Tu étais de retour au Japon Féodal. Et ce fut sans réfléchir plus d’une seconde, que, de toute ton âme, tu hurlas : « ANKAAAA ! »

La créature avait bondi sur toi, emprisonnant tes bras, rendant ta défense quasi impossible. Tu te contentais de te tortiller dans tous les sens, en espérant que cela suffirait à te dégager. Une lueur bleutée, rosé et violacé fit disparaître les parois du puits du Japon moderne, provoquant ainsi le voyage vers l'époque féodale. Seulement tu étais trop préoccupé à te débattre comme tu pouvais, essayant de dégager la créature à coups de pied désespérés. Tu n'y parvenais pas, la matière visqueuse qui recouvrait son corps t'empechait d'être complètement adéquate avec ce que tu voulais faire. Ta respiration était rapide, saccadée, tu n'arrivais plus à trouver l'air nécessaire à ta survie. Le monstre semblait vouloir t'ecraser pour mieux te dominer mais tu étais tenace, tu ne te laisserais pas faire. Pas comme ça. Tu ne parvenais plus à réfléchir correctement, ton cerveau commençait à s'embuer, et tes yeux devenaient de plus en plus difficiles à garder ouverts. Tu te battais du mieux que tu pouvais, quand soudainement, ton bras emprisonné contre ton corps, tu sentis du bout des doigts un objet dans ta poche. Tu savais exactement ce que c'était, et ni une ni deux, tu saisis le briquet tant bien que mal et l'allumas. Une petite flamme suffit à effrayer la créature, qui desserra son emprise. De quoi te permettre de saisir de toutes tes forces ses bras pour les écarter de toi.

Ce fut à ce moment, où la créature abattait tout le poids de son corps sur son buste pour affaiblir tes mains qui bloquaient son passage, que tu percutas sur les lieux. Sur les ossements offerts au fond du puits pour calmer les esprits, pour les éloigner du village, pour les oublier. Tu compris que tu venais de faire une traversée dans le temps, que tes efforts contre cette créature n'était peut-être pas vains. La seule personne qui te venait en tête était cet imbécile d'Anka. Celui-ci même qui te suivait partout comme un chewing-gum sous ta chaussure. Ce terrible Yôkai qui souhaitait ta compagnie dans l'unique but de te tuer ensuite. Tu ne le comprenais pas, et tu ne le comprendrais probablement jamais. Et pourtant. Pourtant. C'était son prénom que tu venais de hurler à plein poumon, sans te demander s'il était encore dans les parages, sans même réfléchir. Peut-être qu'il était parti, qu'il en avait eu marre d'attendre. Peut-être qu'il était mort quelque part, trop triste que tu sois parti. Ah. Ce serait bien étonnant ça. Voire même impossible. Il te détestait, sûrement autant que toi pour le moment. Tu t'étais quand même ennuyé par moment sans vos habituelles disputes et désaccords. Comme quoi, il avait pris beaucoup de place en trois semaines.

Sur le moment, tu étais désespéré mais confiant. Il viendrait. Tu étais capable de ressentir sa proximité, sans savoir comment.

Tes forces commençaient à s'épuiser mais tu ne pouvais pas mourir comme ça. Pas maintenant. Tu avais des choses à dire à Anka. Tu voulais lui expliquer tout ce que tu avais trouvé sur tes ancêtres, et tu voulais essayer d'aborder avec lui ce qui le tourmentait à ce point. Qui était l'homme de qui il souhaitait se venger, et surtout lui permettre d'avancer. De cette façon, peut-être qu'il te foutrait la paix. Rien n'était sûr mais l'espoir fait vivre n'est-ce pas. Tu t'essoufflais à retenir le poids immonde de la créature, jusqu'à ce que tu entendes la voix de ce stupide Anka. Le soulagement que tu ressentis fut immédiat et cela provoqua une montée d'adrénaline qui te permit de repousser le monstre. La surprise d'un nouvel arrivant dans votre bataille de puissance le perturba, le surprit, ce qui te permit de retrouver un peu d'air. Tu n'eus pas le temps de faire quoi que ce soit que la forte poigne du dragon te saisit par le col pour te remonter illico presto à la surface. Tu retrouves sans surprises le paysage que tu avais côtoyé pendant trois semaines, tous les jours. Tu te souvins que tu souhaitais rentrer chez toi, que tu voulais échapper à toute cette folie, mais tu t'étais terriblement ennuyé dans le monde moderne. Un petit quelque chose manquait à ton quoditien. Peut-être était-ce simplement la nature. Ou la facilité des gens à se contenter de ce qu'il y avait à cette époque. Ou encore Anka. Cela, tu ne l'avouerais certainement jamais. Sa présence avait créé un vide, mais tu n'en prenais pas conscience. Du moins, tu n'étais pas décidé à ouvrir les yeux.

Les paroles d'Anka te firent monter immédiatement dans les tours. "Quoi ?!" Qu'est-ce qu'il racontait lui encore ? Tu étais à lui ? Et puis quoi encore ? Tu n'eus pas le temps de lui répliquer qu'il enchaînait avec une phrase à ton encontre. Il osait te disputer en plus de ça. "J'aimerai bien voir ça double face ! Et puis d'où tu sors que je suis à toi ? Tu me prends pour un objet ? Nan mais j'aurai tout entendu avec toi." Tu semblais avoir oublier la douleur de ton bras, le sang qui coulait et la présence d'un horrible Yôkai en face. Tu étais concentré sur Anka, qui venait de t'énerver. Une fois de plus. "J'espère que tu sais au moins te battre, au lieu de gueuler pour rien." Tu le regardas avec un air de défi mélangé à de l'agacement et de l'épuisement. À peine arrivé qu'il te saoulait déjà. Lui, créer un vide en toi ? Jamais de la vie. Tu avais été bien tranquille sans ses tirades désagréables. Tu devrais retourner dans ton monde d'ailleurs, tu serais mieux sans lui, loin de lui, sans voir sa face bicolore.

Comment avais-tu pu penser t’ennuyer sans être dans ce monde ? Il t’énervait déjà. Juste de voir sa tronche de cake bicolore, tu avais envie de retourner chez toi. Il ne méritait pas que tu l’appelles parce que tu étais en danger. Mais tu n’avais pas non plus envie de mourir si jeune, donc cela t’était venu instinctivement. Voilà qu’il continuait encore avec ses conneries de « il est à moi », « ma proie ». Il devrait changer de disque avant de se prendre ton poing dans la figure. Yôkai ou pas, tu avais juste envie de lui sauter à la gorge. C’était ainsi, tu avais envie de te battre avec lui à chaque fois. Tu prenais sur toi d’ailleurs, pour ne pas le faire, là, maintenant.

Cependant, vous aviez bien vite fait d’oublier ce monstre. Celui qui t’avait poussé dans le puits, contraint de retourner dans cette époque médiévale, tu ne l’avais plus du tout en tête. Il n’était même plus ta première préoccupation. Même ta blessure, tu ne la sentais plus tant Anka te tapait sur le système. Une légère satisfaction passa sur ton visage lorsqu’il releva ce surnom qu’il aimait tant, un fin rictus se vit une fraction de seconde sur tes lèvres, juste avant que tes poils se hérissent. Il avait un culot incroyable celui-là, à balancer ce genre de mots dans le vent. La fin de sa réplique te fit lever les yeux au ciel. Décidément, tu le faisais souvent en sa présence. Mais s’il arrêtait de raconter des conneries plus grosses que lui, tu ne le ferais sans doute plus.

« Si tu attends de me manger, je pense que tu as le temps de mourir de faim. » avais-tu dit sur un ton désinvolte, comme à ton habitude. Ce n’était pas le fait que tu aimais le provoquer, mais il était juste dans ta nature de ne pas fermer ta bouche, même si parfois tu savais que tu devais le faire. Tu ne pouvais t’en empêcher, tu ne pouvais y résister, les mots sortaient de ta bouche aussi vite que ta pensée traversait ta tête. « On se demande qui est le plus idiot de nous deux. » Tu marmonnas cette phrase comme si tu ne voulais pas qu’il l’entende. En réalité, une nouvelle fois, c’était ta pensée qui s’exprimait. « Baka. » lui lanças-tu avec un regard de biais, et une mine agacée accrochée au visage.

À bien l’observer, il semblait en manque de sommeil. Il avait les traits tirés, la mine blafarde, et une expression étrange au fond du regard. Quelque chose ne tournait pas rond avec lui, il s’était sûrement passé quelque chose durant ton absence. Tu étais curieux de savoir, mais tu n’irais certainement pas lui demander. Ah ça non. Au lieu de faire semblant de te préoccuper de lui, tu le provoquas encore plus. Est-ce qu’il savait se battre ? C’était une bonne question. Parce qu’à part frimer sur sa transformation en créature mythologique, tu ne l’avais pas vu à l’œuvre. « Tout ce que j’ai vu, c’est un petit dragon en forme de saucisson … En y repensant, tu n’avais rien d’effrayant. » Et toc. Peut-être qu’il arrêterait de te prendre la tête et de te rappeler que tu avais eu la peur de ta vie en le voyant pour la première fois. S’il réfléchissait un peu, s’il se mettait à ta place juste une minute, il comprendrait sûrement ta réaction, mais non, il essayait sans arrêt de te rabaisser. Ce qu’il était énervant !

Avant même que tu ne puisses faire quoi que ce soit, Anka te poussa sans délicatesse pour esquiver l’attaque du Yôkai qui était encore là, à subir vos chamailleries. Il te poussa avec SON PIED. AVEC. SON. PIED. Heureusement que tu avais certains réflexes ; pour éviter de tomber mollement sur le sol, la tête la première ; tu roulas donc comme tu pus pour ensuite le regarder de travers, sans cacher le fait que tu étais outré par son geste. « T’es sérieux ?! »

Tu te relevas tant bien que mal, l’adrénaline présente dans ton corps. Le monstre semblait s’être écarté un peu, ayant du mal à retirer la glace accumulée sur lui. Tu en profitas pour débarquer comme une furie à côté d’Anka, lui attrapant le col, rapprochant considérablement vos visages. « Anka est si fort qu’il n’a pas besoin d’un humain comme moi. Débrouille-toi espèce d’abruti ! » Tu en avais assez de son comportement. Tu venais d’arriver, mais tu étais déjà fatigué de tout ça.

Ton regard se porta une minuscule seconde sur le Yôkai visqueux, et sans réfléchir, tu appuyas tout ton poids sur Anka pour le pousser, mais un membre étiré du monstre réussit tout de même à toucher ton dos, laissant sur son passage une longue balafre qui déchira tes vêtements. Tu serras les dents, la douleur te fit grimacer alors que tu tombas de tout ton long sur Anka, incapable de te rattraper dans ta chute. Tu avais connu des souffrances bien plus terribles que celles-ci, physiquement parlant, mais il n’empêchait que ça ne faisait pas du bien. La blessure te lançait, t’affaiblissant considérablement, et soudainement, ta vue se brouilla.

Malgré tout, tu parvenais à voir le visage d’Anka, si près du tien, son odeur naturelle et brute parvenait jusqu’à ton nez, et tu pensas que cela n’avait rien de désagréable. Tu commenças à divaguer, à penser et dire des choses que tu n’aurais jamais pu dire, dans un état normal. « Anka, tu es beau. Même si je te déteste, je peux pas nier que tu es vraiment, et terriblement beau. »

Après l’avoir attrapé sans qu’il ne s’y attende, tu le vis rougir. La vérité c’était que tu étais tellement en colère que tu n’y prêtas pas plus attention. Il te prenait vraiment pour une pauvre chose fragile, mais tu avais envie de lui faire regretter cette pensée. Ton poing te démangeait, terriblement, il avait envie de s’écraser contre sa tronche de deux couleurs. Même si tu savais que tu ne ferais pas le poids, mais c’était pas grave. Après tout, il avait sûrement une bonne raison de ne pas te manger maintenant. Ce que Anka te répondit te blessa, mais tu ne laissas rien apparaître. Tu te demandais s’il était, ne serait-ce qu’un tout petit peu, content que tu sois revenu. Que ce soit lui que tu avais appelé alors que tu étais en danger. Tu venais de te poser ces questions alors qu’il te crachait son venin au visage. Cependant, tu n’eus pas le loisir de laisser exprimer quoi que ce soit sur ton visage que tu le poussas avec tout le poids de ton corps pour éviter une attaque puissante du monstre. Ce fut donc ton pauvre corps fragile qui prit le coup, balafrant ton dos en une longue plaie à vif.

Tu t’écroulas alors de douleur sur lui, ne contrôlant pas ta chute. Enfin, tu réussis quand même à ne pas le cogner, te retenant du mieux que tu pouvais sur tes mains, faiblissant doucement tant la douleur était intense. Tu sentais tout ton corps brûler à travers cette blessure, mais quelque chose d’autre semblait également se répandre dans tes veines. Comme une douce chaleur enivrante, une étrange impression de flotter, de ne plus avoir de corps, de complètement planer te prit. Ta vue se brouilla en quelques secondes, et tu n’étais plus capable de réfléchir correctement.

Alors les mots que tu pensais tout bas s’élevèrent dans les airs comme une déclaration soudaine. Tu laissas alors échapper un compliment à son égard, en insistant sur le fait qu’il était terriblement beau. C’était vrai, tu le pensais, mais tu n’avais jamais daigné y songer concrètement. Pourtant, sous l’effet de cette blessure, d’une substance étrange qui allait de part et d’autre de ton corps, tu laissais tes sentiments s’exprimer. Sans filtres. Juste comme ça, naturellement. Ton regard était perdu dans le sien, tu détaillais avec attention les traits de son visage. Les quelques imperfections, la brûlure couvrant un de ses yeux et quasiment la moitié de sa tronche de cake. Cela lui donnait un charme dingue et tu n’étais même plus capable de cacher ton attirance envers lui. Une attirance ? Quelle attirance ?

Alors qu’il t’écartait doucement, te posant un peu plus gentiment que précédemment sur le sol, pour ne pas que tu le gênes, la douleur te ramena soudainement à l’instant présent. Le fait qu’il t’ait bougé avait également faire revenir la souffrance d’être tranché. Tu sentais le sang se répandre dans tes vêtements, et la sensation était loin d’être agréable, bien que le drôle d’effet te faisait avoir des frissons jusqu’en bas des pieds. La suite des évènements, tu ne les suivis pas vraiment, trop occupé à comprendre ce qu’il se passait dans ton propre corps. Tu n’avais jamais ressenti ce genre de … D’envies. Tu avais chaud, tu ressentais des choses trop peu familières et cela te gênait. Tu essayais de reprendre tes esprits, mais tu te sentais trop vaseux pour réellement savoir ce que tu faisais.

Tu étais dans les vapes, cependant, tu parvins à sentir la présence d’Anka revenir vers toi. Tu étais sur le côté, allongé dans l’herbe verte, le regard dans le vide, ne pensant à rien de particulier, à part ton corps aussi chaud qu’un feu de camp. Lorsque tu sentis les mains d’Anka sur toi, tu ressentis de nouveau une vague de frissons incontrôlables, et ton regard trouva à nouveau le sien. La douleur semblait s’être calmée, comme si elle n’existait plus. Sans doute était-ce cet effet qui te coupait de toutes les autres sensations, mais tu n’étais pas non plus en état de penser à tout ça. Contre toute attente, tu parvins à rouler sur le dos et attirer Anka sur toi, le retenant d’une main de fer par le col de ses vêtements. « Anka. » Ta voix était douce. Toute la colère dont tu faisais preuve d’habitude s’était envolée vers d’autres provinces. « Anka … » Tu rapprochas davantage son corps du tien, sentant son souffle sur ton visage tant vous étiez près. « Tu ne me tueras pas, je le sais. » Un sourire mi-amusé, mi-sincère étira tes lèvres. « Tu n’en seras pas capable. » Tu te redressas suffisamment pour quasiment coller ta bouche sur son oreille. « Et je n’ai pas besoin de mots pour te prouver que j’ai raison. » Tu avais en tête un autre moyen de lui faire comprendre qu’il ne pourrait pas. Tu avais déjà vu ses réactions, votre proximité le gênait, et il perdait toute crédibilité. Dans cet état, tu étais sûr de toi, et les doutes ne semblaient pas avoir de la place dans ce que tu pensais et disais.

Et pour appuyer ta dernière phrase, tu replongeas ton regard étrangement fiévreux dans celui d’Anka, pour tirer son col et le « forcer » à poser ses lèvres sur les tiennes. Tu n’étais pas embarrassé, tu ressentais surtout le désir d’en avoir plus. Plus de contacts. Plus d’Anka.

Alors que la sensation de planer s’intensifiait au fil des minutes, tu n’étais plus capable d’être en colère, ou même de le détester comme d’habitude. Alors oui, tu ne l’aimais pas pour autant, mais tu ne pouvais t’empêcher de le dévisager et le trouver beau. Peut-être que le fait d’être un Yôkai donnait une beauté surnaturelle. Un peu comme les contes de ton temps, avec les vampires ou les loups-garous, qui avaient un charme particulier. Anka avait pourtant cette vilaine brûlure sur le visage, celle-ci même qui couvrait un quart de sa tronche de cake. Si avant tu n’avais pas fait attention, ou plutôt, tu n’avais pas voulu t’intéresser à lui plus que nécessaire, en cet instant précis, tu te permettais de le l’observer dans les moindres détails. Cela suffisait à faire naître des choses insensées au creux de ton ventre. Ô grand jamais, sans cet état, tu n’aurais agi de la sorte. C’était évident. Oui, la petite voix raisonnable coincée dans un minuscule coin de ta tête l’espérait de tout son être.

Alors que tu venais de l’imposer sur toi, tu lui lançais des regards remplis de chaleur, d’une envie étrange, d’un désir certain. Anka. En fait, tu n’avais pas eu l’impression de le prononcer à voix haute, tu pensais simplement que cela t’avait traversé la tête et pas la bouche. Alors la mine déjà rougit d’embarras d’Anka s’intensifia, pour ton plus grand plaisir. Tu remarquais malgré tout ce qu’il se passait dans ton corps et ton esprit qu’il était facilement perturbable. Un rien le faisait rougir. Un rien le troublait. Et cela te permettait de jouer avec lui. Peut-être qu’au fond, tu aimais cette sensation de potentiellement lui plaire. Ou au moins le déstabiliser.

En lui intimant qu’il ne te tuerait pas, tu sous-entendais énormément de choses. Tu avais surtout envie qu’il se rende compte que sa vengeance ou son sentiment de vouloir s’en prendre à toi n’était pas justifié. Le jour où il s’en rendrait compte, peut-être qu’il s’excuserait, peut-être qu’il se sentirait mieux. Pour les excuses, tu pouvais toujours rêver, c’était une certitude. Tu souhaitais secrètement pour lui qu’il s’assagisse, qu’il se raisonne.

Et puis le baiser. Au départ juste un effleurement. Et puis un échange chaste mais franc suivi. Tu n’avais pas réellement envie d’arrêter, et tes doigts sur son col se resserrèrent sur le tissu. Ce n’était pas ton premier baiser, tu avais déjà flirté avec des filles, allant jusqu’à sortir avec elles, jusqu’à coucher avec elles, mais ce qu’il se passait avec Anka était différent de tout ce que tu avais déjà expérimenté. Parce qu’il était un homme. Parce qu’il était un Yôkai. Parce que tout ce qu’il se passait depuis deux mois semblaient sortir de ton imagination.

Seulement, l’échange se coupa brusquement. Double-face te poussa sans douceur, ce qui appuya ton dos déjà meurtri sur la douce herbe estivale. Une grimace vint tirer tes traits pourtant si calmes, si apaisés. Tu le regardas sans comprendre, perdu, comme un enfant dont on aurait lâcher la main dans une foule japonaise. En fait, il semblait tout aussi déconcerté que toi, mais pas pour la même raison. Il te demandait ce que tu faisais. Tu lui répondis tout naturellement et avec une expression tellement innocente que cela semblait avoir du sens. « Je t’embrasse … ? »

Tu fronças les sourcils face à sa mine totalement déconfite. Qu’attendait-il exactement comme réponse ? Tu te le demandais. « Tu vas prétendre que tu n’as pas envie de retenter l’expérience. Ou tu vas me dire que tu veux me tuer. » La chaleur te montant aux joues et ton sourire joueur le provoquaient sans retenue aucune. Tu n’avais peur de rien. Tu n’avais peur d’aucune conséquence de tes gestes. « Tues-moi maintenant si tu en as envie. Je me laisserai faire. » Tu détournas alors les yeux et vis le sang présent de part et d’autre de ton corps, se répandant comme de vils serpents à travers les brins d’herbe. Tes doigts libres touchèrent ce sang et vinrent ensuite se poser sur le visage d’Anka. « Qu’est-ce qui te retient ? » Et lentement, tu commenças à murmurer. Comme pour lui dire un secret, comme une supplication. Le bout de tes doigts descendit sur ses lèvres, les maquillant de ton sang comme un rouge à lèvres carmin. Tu insistas en repassant dessus, ton regard totalement perdu dans la contemplation de ton geste. Tu ne faisais plus attention à quoi que ce soit.

L’univers n’existait plus. Seul Anka était présent.

Plus les minutes passaient, et plus tu sentais ta faiblesse te rattraper. Ou peut-être était-ce tout ce sang qui coulait de ton corps qui te faisait perdre la tête ? Qui te faisait oublier la notion du temps ? Tu pourrais donner beaucoup d’excuses à ton état à ton réveil, ta blessure, la douleur, ton retour au Japon Féodal qui aurait éventuellement fait péter un plomb dans ton cerveau. Pour le moment, tu ne pensais à rien d’autre que la sensation des lèvres d’Anka sur les tiennes. Un nouveau sentiment naissait en toi, quelque chose de nouveau, d’inconnu, d’inédit, mais tu étais incapable de savoir ce que c’était.

C’était la deuxième fois que tu l’incitais à te tuer ouvertement. La deuxième fois qu’il refusait de le faire pour des raisons complètement idiotes, se trouvant des excuses plus insensées les unes que les autres. Et cela t’agaçait. Parce que plutôt que de te menacer, il devrait le faire. Pour ta part en tout cas, tu n’irais pas par quatre chemins. C’était dans ton tempérament, tu ne laissais jamais une chose attendre si tu pouvais le faire tout de suite. Et c’était sûrement pour ça que tu venais d’embrasser Anka, parce que tu en avais eu envie, alors tu laissais s’exprimer ton corps, tes envies, ta pulsion du moment.

Il détourna le regard, semblant trouver une nouvelle raison d’esquiver le sujet de ta mort. Ce n’était pas que ça t’enchantait d’en parler ou de te faire menacer tout le temps, bien au contraire, c’était lassant. Tu n’y croyais même plus. Tu continuais de l’observer, attendant une réponse, un mot, une réaction mais rien ne venait. Une petite angoisse commençait à monter dans ta gorge, te contrariant plus que tu ne l’aurais cru. Il semblait réfléchir, sans doute beaucoup trop, car son regard était lointain en quelque sorte. Tu n’avais pas envie qu’il te laisse comme ça, qu’il t’abandonne. Tu voulais qu’il reste avec toi, encore un peu, jusqu’à ce que tu reprennes tes esprits.

Et ta blessure qui continue d’abreuver la terre sous toi.

Ton regard se troubla, comme si des larmes voulaient couler, comme si tu étais prêt à craquer. Le rejet. Oui, tu avais peur de cela, que Anka ne veuille finalement plus de toi. C’était idiot à y repenser, tu étais le premier à vouloir qu’il se taise, qu’il te foute la paix. En temps normal. Quand ton état n’était pas perturbé par tu ne savais quoi. Quand tout était … Juste … Normal. Ensuite, sa voix résonna dans tes oreilles, douce, mélodieuse, calme. C’était une chose extrêmement rare, que tu n’avais encore jamais eu la chance d’entendre. Tu le fixas alors à nouveau avec attention, desserrant la pression sur ses vêtements pour glisser tes deux mains sur son visage. Tout ton corps commençait à trembler, à ressentir la fatigue, la perte de sang. Tu peinais à garder les yeux ouverts cette fois, ta conscience sombrait petit à petit vers un autre monde. Tu te forças cependant à rester un peu plus longtemps avec lui, le temps d’apercevoir son expression partagée. Une mine qui fit bondir ton cœur à l’intérieur de ta poitrine.

« Ne me … Laisse pas. » Ta voix n’arrivait plus à sortir tant tes émotions étaient présentes. Tant la fatigue t’emportait. Tu luttais de toutes tes forces pour graver ce visage en mémoire, pour ne jamais l’oublier. L’une de ces joues peintes de la couleur de ton sang, ses lèvres recouvertes par l’odeur âpre et métallique d’un liquide trop précieux pour une vie humaine. La couleur écarlate de son visage, le mélange de l’embarras, de la gêne, de la honte, d’une once de désir, de la colère aussi certainement. La beauté d’Anka n’avait d’égal que son mauvais caractère, et il avait fallu que tu sois blessé pour t’en rendre compte.

Et même si l’obscurité semblait te happer doucement, tu pouvais être sûr que tu n’oublierais jamais cette expression.

« … te fous … de moi… Tu m’as laissé... »

Tes yeux papillonnèrent doucement, s’ouvrant avec difficulté sur le monde qui s’offrait à toi. L’intérieur d’une maison que tu connaissais très bien t’apparut donc comme une certaine évidence. L’odeur t’était également familière. La demeure de Kaede était le repère du village et tu avais atterri tellement de fois ici que tu pouvais aujourd’hui dessiner l’endroit sans même y être. Tu ne te sentis donc pas confus en prenant conscience de ton environnement, bien au contraire, tu te sentais en sécurité. Ton esprit était encore embrumé par une sensation étrange, et tu cherchas immédiatement de l’eau pour te rafraîchir, sans pour autant trouver ton bonheur. Et surtout. Surtout. Le pauvre petit geste que tu avais fait pour te redresser t’avait tiré une grimace de douleur. Tu pouvais sentir une sensation de chaleur intense et désagréable dans ton dos. Tu fronças les sourcils et cherchas à nouveau quelque chose ou quelqu’un qui pourrait te dire ce qu’il s’était passé. Malheureusement, le fait que tu sois sur le ventre ne te rendait pas la tâche facile.

Tu remarquas en observant les alentours, dans la position compliquée que tu avais, qu’il y avait une sorte d’urne posée non loin de toi, ainsi qu’une espèce de pinceau. Tu tendis tant bien que mal le bras, la tête encore ailleurs, pour sentir le contenu ; tu fermas rapidement les yeux tant l’odeur était forte. Cela venait de te donner les larmes aux yeux tant c’était puissant, tu le reposas aussitôt en comprenant vite qu’il s’agissait d’un remède. À en juger par ta douleur, c’était sûrement pour toi aussi.

Tu continuas ton inspection sans trop bouger, juste la tête puisque tu avais abandonné l’idée de forcer sur la blessure que tu avais apparemment dans le dos. Et là. Dans un coin de la pièce. Pas trop loin de l’entrée. Tu remarquas une silhouette. Une présence familière, qui fit monter le rouge à tes joues. Fort heureusement pour toi, ton visage était à l’opposé de cette personne que tu ne connaissais que trop bien, et tu réussis à cacher ton embarras soudain et inexpliqué. Tes yeux se perdirent dans le vide pour essayer de comprendre cette réaction, mais sur le moment, rien ne venait. Depuis quand avais-tu la sensation d’être une jeune fille en fleur en SA présence ?

Tu essayais de retrouver tes esprits, et fermas les yeux quelques instants. Un flash te revint. Un baiser échangé entre Anka et toi, et un baiser initié par tes soins. Tes yeux s’ouvrirent d’un coup, ronds comme des soucoupes volantes. Mais heureusement pour toi, tu te souvenais également de ton arrivée au Japon Féodal, le Yôkai qui t’avait attrapé et le fait que tu avais pris une sale blessure pour protéger Anka. Action qui méritait qu’on te jette à manger à des cochons tant cela avait été stupide. Tu n’étais qu’humain après tout, lui guérissait en quelques heures. Toi, en plusieurs jours. Et le poids de tes actions précédentes pesaient très lourd sur tes épaules.

Tu te râclas la gorge pour reprendre une certaine contenance, et sans oser bouger, tu te permis juste une petite demande, ni polie, ni douce. « J’ai soif. » S’il n’avait pas compris que tu étais réveillé, maintenant c’était le cas. Pour le moment, tu avais juste envie qu’il s’éloigne, histoire que tu te souviennes de ce que tu lui avais dit exactement. Parce que si le baiser te revenait clairement, les mots échangés restaient flous. Tu ne parvenais pas à te rappeler avec précision de votre sujet de conversation. Tu ne savais pas exactement ce qui t’avait poussé à l’embrasser de la sorte, mais une chose était sûre : ton état était similaire à un lendemain de cuite.

Tu te permis un petit regard sur l’extérieur, et tu osais espérer que tu n’avais pas dormi des jours. Quelques heures tout au plus serait vraiment du luxe. Tu te sentirais encore plus faible que tu ne l’étais si tu étais tombé dans l’inconscience si longtemps pour une petite blessure de rien du tout. Tu avais connu pire. Tes cicatrices sur le torse le prouvaient. Et pour une épreuve, tu pouvais affirmer que tu ne voudrais pas la revivre deux fois. Hors de question.

En parlant de torse, tu n’avais plus aucun vêtement sur ton torse. Avec une certaine panique, tu te redressas pour vérifier que tu avais encore ton pantalon, ne manquant pas de lâcher un juron en te détruisant le dos par la même occasion. « Ah ! Kuso ! (merde !) » Mais enfin … Pourquoi, pour soigner le milieu de ton dos, avait-on besoin de retirer ton bas ? Tu avais eu une réaction exagérée, mais justifiée, tu voulais cacher certaines choses. Tu te rallongeas comme une masse en constatant que tu avais encore ton jean sur les jambes. Un petit soupir de soulagement sortit d’entre tes lèvres.

Dire que tu étais troublé serait un euphémisme. En réalité, tu ne comprenais pas le sens de tes actions. Ce n'était pas comme si tu appréciais Anka, qui criait à qui voulait l'entendre qu'il allait te tuer un jour ou l'autre. Tu ne l'aimais pas. Tu le détestais même. Alors pourquoi ? Comment en étais-tu arrivé à lui donner un baiser ? À vouloir l'embrasser comme tu l'avais fait ? Dans le futur, tu devrais arrêter de le provoquer ou ça pourrait finir mal. Et tu ne savais pas encore dans quel sens du terme ça pourrait avoir une fin regrettable. Pour le moment, ce qui te perturbait le plus, c'était ce que tu avais pu lui dire. Tu imaginais le pire, vu l'état dans lequel tu avais été suite à ta blessure.

Tout ce que tu avais trouvé pour enclencher la discussion, instinctivement, c'était d'avoir soif. Non seulement c'était vrai mais en plus tu l'envoyais loin quelques minutes. Sa présence avait quelque chose de rassurant et cela n'était pas normal. Tu te sentais chamboulé, tu n'aimais pas ça. À ta demande, ou plutôt ton ordre implicite, tu ne pouvais voir ses réactions mais son ton était aussi poli que le tien. Sa voix semblait presque moins tranchante que d'habitude, et dans ses mots, tu ressentais une certaine déception. Ce fut donc sans réfléchir, sans mâcher tes mots, que tu répondis naturellement et sur une intonation de mesquinerie : "Tu attendais autre chose peut-être ?" Tu te frappais intérieurement de ne pas avoir la langue dans ta poche. Cependant tu étais curieux de savoir à quoi il s'attendait à ton réveil. Avait-il envie d'une nouvelle proximité ? Tu n'étais pas sûr. Tu ne savais plus ce que tu pouvais penser.

Vint ensuite le moment de panique concernant ta tenue. Que tu sois torse nu, ça ne te posait aucun problème. Mais pour le reste, c'était une toute autre histoire. Cependant, tu te rassuras et remercias silencieusement Kaede pour avoir respecté tes propos envers ces détails. Si Kagome avait été compréhensive dès le début, tu n'avais pas voulu en dévoiler davantage dans une époque aussi ... Tendue que celle-ci dira-t-on. Ils n'étaient certainement pas aussi ouverts que dans ton monde. Et encore, des injustices sur les genres, les couleurs et les orientations sexuelles existaient encore. Comment Anka le prendrait-il si tu venais à lui expliquer ton changement d'identité ? Non. Vous n'étiez pas assez proches pour aborder ce genre de sujets. Et de toute façon, tu étais sûr qu'il s'en fichait totalement de ta vie. Ce qu'il voulait, c'était te tuer. Il le répétait si souvent que cela commençait à sonner creux à ton oreille. Il te sortit de tes pensées avec une question stupide, à savoir quel était ton problème. En réalité le souci c'était bien l'entrée d'Anka dans ta vie mais tu ne pouvais pas décemment lui dire cela. Tu fronças les sourcils, sans réussir à ravaler quelques mots. "Oh la ferme !"

Pourquoi était-il là d'ailleurs ? Il avait peur que tu t'enfuis dans ton sommeil ?

Tu levas tes deux sourcils cette fois lorsque sans râler pendant dix ans, Anka sortit de la maison pour aller te chercher de l'eau. Tu restas quelques secondes à te demander quelle mouche l'avait piqué, c'était étrange ce genre de gestes de sa part mais tu préféras ne rien dire et le laisser faire. Après tout, tu n'étais pas en état de débattre avec lui. Pas maintenant. Pas alors que les flashs de ce baiser te revenaient sans cesse comme des coups de poignard. Ton cœur s'accélérait chaque fois que tu fermais les yeux trop longtemps comme pour te rappeler que c'était toi qui avais initié ça, qui avait fait le premier pas, qui lui avait volé ses lèvres le temps d'un instant. Tu regrettais oui et non, ce que tu ressentais était mitigé, confus. Tu n'arrivais pas à mettre de mots là-dessus. Tu essayais de garder une respiration calme et détendue alors que tu étais affolé comme pas possible.

Une mine boudeuse et excédée s'afficha sur ton visage aux mots adorablement polis d'Anka qui te disait gentiment de te démerder pour boire. "Trop aimable de ta part." Tes yeux fatigués rencontrèrent les siens, et soudainement une autre image vint te hanter. Celle de son visage arborant une expression confuse mais magnifique. Tu te rappelas alors de sa beauté à ce moment-là, de son embarras et de tout un tas de choses. Étrangement, tu avais envie de toucher sa peau, de toucher son visage, mais pas pour le barbouiller de ton sang cette fois ... Simplement pour te sentir important. Tu baissas les yeux, peu certain de pouvoir l'affronter maintenant et cachas ton visage entre tes bras. Tu ne savais pas comment réagir, ni quoi dire. Alors tu ne disais plus rien du tout et tu te cachais. Comme si cela allait solutionner le problème. Bonne idée.