Chapitre I : Je t’entends, petite flamme
Ce jour-là, était un jour plus froid que les autres, le blizzard frappait les montagnes proches du village de Nihommatsu. Entouré de forêts, monts et lacs, ce lieu était connu pour sa météo capricieuse, quand il ne pleuvait pas, c’était qu’il faisait trop froid et que la neige prenait le dessus tout comme ce jour de janvier où la température avoisinait les –5°.
Un groupe de chasseurs tentait tant bien que mal de se frayer un chemin par ce temps, chacun avait son rôle au village et cela faisait plusieurs heures que le groupe se débattait pour trouver de quoi nourrir les villageois. Etant un village connu pour ses exterminateurs spécialisés dans la Démonologie, nombreux de ces chasseurs avaient un Yokai à leur côté et servant de monture pour les aider à avancer dans ces paysages sauvages. Pourquoi tous ces détails ? Parce que si vous voulez connaitre l’histoire de Yukio, vous en aurez besoin, car c’est ce jour-là, malgré le vent, la neige, le bruit des branches qui craquent sous le blizzard, le cri des hommes qui communiquent entre eux, qu'un petit être s’est fait entendre.
Un pleur d’enfant, un seul et puis plus rien, c’est ce que le meneur du groupe avait entendu, certains étaient sceptiques. Ils doutaient de l’avoir réellement entendu et du fait que ce n’était pas la fatigue ou un Yokai malveillant qui leur jouait un tour. Seulement, les habitants de Nihommatsu aimaient les enfants et en recueillaient souvent alors peu importe si ce cri était irréel, tous se mirent en quête de ce mirage. Mettant leurs sens développés aux aguets, donnant pour ordre à leur monture d’aider à le trouver, ils avancèrent, ils prièrent pour l’entendre une nouvelle fois, une seule suffirait.
Seul le vent répondit à leur attente pendant de longues minutes et alors qu’ils allaient abandonner, ce n’est pas un cri qu’ils entendirent, mais un rire, un rire de poupon, un rire si pur dans ce temps qui menaçait leur vie, un rire qui les guidèrent à ce qu’ils recherchaient, l’enfant. Dans ce paysage blanc et froid, des cheveux dénotaient de leur roux flamboyant, comme éclairant la zone pour être trouvé. Sur le sol, une femme était couchée, ses cheveux éparpillés autour d’elle, la peau aussi blanche que la neige alors qu’elle avait été vidée de vie. On pouvait voir dans ses bras, entouré de vêtements, un petit bagage d’où provenait le rire.
Sans plus attendre, les hommes étaient descendus de leur monture, s’approchant de leur découverte. Le meneur attrapa délicatement l’enfant dans ses bras, c’était un jeune garçon de quelques mois seulement, il avait quelques mèches rousses tout comme la femme et de grands yeux d’un noisette vert clair, qui leur donnait un rendu presque doré. Ce jour-là, les hommes furent touchés par cette bouille souriante alors que l’enfant ne se doutait pas qu’il était seul à présent.
Ainsi, Yukio fut trouvé et ramené au village de Nihommatsu, il fut confié à un couple qui venait de perdre leur fils, l’homme l’accueillit à bras ouverts et même si la femme donna cette impression, elle ne pouvait pas croire qu’on lui demandait déjà de remplacer sa chair par une autre.
Chapitre II : L’hiver recouvre le printemps
L’homme voyait déjà un descendant digne dans cette petite flamme ambulante, l’enfant était pur, souriant, il pleurait rarement, il grandissait vite avec leur soin. Ils avaient mis du temps à se décider sur le prénom qu’ils donneraient au jeune garçon quand le couple s’était vu confié sa garde, mais finalement Yukio, garçon de la neige, avait été vu comme une évidence.
Les années passèrent, Yukio s’approchait maintenant de ses 6 ans, l’enfant qui était souriant s’était terni avec le temps, il avait vite appris, il avait vite découvert un monde pas si beau que ça. Il adorait son père, son modèle, lui qui était exterminateur de démon lui avait fait découvrir un beau côté du monde, celui des Yokais, de la magie, des démons, sans eux, ce monde serait encore plus dans le chaos qu’il ne l’ait déjà. Ce que l’enfant trouvait beau dans ce métier, c’était la liberté, les voyages, la découverte, tout ce que son père lui racontait, tout ce que la vieille du village lui lisait des archives. Si jeune et déjà épris de ce désir de liberté.
Pourquoi voulait-il tant fuir alors que tous l’appréciaient ? Sans doute à cause de sa mère adoptive, depuis le début, elle le rejetait, elle rejetait sa présence, son existence, quand l’homme de la maison n’était pas là, elle faisait passer mille calvaires à l’enfant. L’homme ne se doutait de rien car elle avait l’air si aimante quand il était là, elle ne le laissait pas toucher son fils mais il avait mis ça sur la peur de le perdre comme l’autre.
Elle se montrait violente autant mentalement que physiquement, elle faisait passer ça pour une punition naturelle, si jamais il n’était pas assez parfait, pas assez à la hauteur de l’être perdu. Yukio avait développé une crainte si forte, que quelques mèches blanches faisaient leur apparition dans sa crinière de feu, le stress était si important qu’il développait une canitie précoce. Elle trouvait toujours une raison pour le punir tous les jours, si elle n’en avait pas, elle en inventait une, elle en créait une, à un point où elle avait décidé d’habiller seulement de blanc l’enfant et à la moindre tâche de le punir.
Le médecin du village n’avait pas compris la cause de ses cheveux blancs, mais le garçon se montrait en bonne santé et si gentil que tous avaient choisi de dire qu’il avait été béni pour sa pureté aussi blanche que la couleur elle-même. C’est à l’âge de 10 ans que le feu de ses cheveux finit entièrement recouvert de neige et que le sourire de l’enfant était de plus en plus rare, qu’il devenait méfiant, solitaire, qu’il s’intéressait plus que jamais à la profession d’exterminateur pour un jour pouvoir toucher à la liberté.
Chapitre III : Le feu n’a jamais été aussi gelé
Imaginez la douleur du père de Yukio lorsque le jour des 12 ans de son fils, il le retrouva inconscient, le dos en sang dans la pièce principale de leur habitation. Qu’il découvrit la vérité, la folie de sa femme qui lui souriait adorablement alors que leur fils était dans un état lamentable, lui répondant seulement qu’il avait tâché son vêtement blanc et qu’il était compliqué à nettoyer. C’était un déclic, il comprenait tout, pourquoi son fils avait tant changé, tant mûri, sa femme l’avait détruit mais plus jamais elle n’aurait la possibilité de le faire, il se le promettait.
Quand l’adolescent avait repris conscience, il ne comprenait pas pourquoi son père s’excusait, c’est lui qui avait commis une erreur, pas l’homme. Pourtant quand l’adulte lui dit qu’il ne la reverrait plus, qu’il allait pouvoir être libre, qu’il allait devenir apprenti et rester avec lui, le garçon ne put s’empêcher de pleurer sans comprendre pourquoi son cœur se serrait autant.
Ainsi débuta sa quête de liberté, de connaissance, seulement l’homme se rendit vite compte que Yukio était devenu aussi froid que le blizzard dans lequel il avait été trouvé. Il restait le gentil garçon qu’il avait vu grandir, le garçon qui venait en aide aux autres, qui était doux, mais une vague de froid avait recouvert tout ça, il se désintéressait trop vite, se méfiait de tout, était nonchalant, il se rebellait, était fourbe, il voyait un mauvais mélange de lui et sa femme dans le garçon.
Sa mère adoptive avait laissé des cicatrices à jamais marquées dans l’esprit et sur le corps du garçon, il craignait tellement de salir ses vêtements qu’il était devenu très habile, il avait développé des réflexes humains de pointe, ce qui faisait la fierté de son père. Pour ce qui était de l’autre capacité, c’était à force de repousser les ennemis loin de lui qu’elle s’était développée, sa force. Deux talents pour tenir les monstres et humains loin de lui, pour rester dans sa bulle que personne ne pouvait percer.
Le jour de ses 16 ans, l’âge de pouvoir voyager seul, son père l’avait emmené dans le clan du Centre afin de lui obtenir son arme, qui espérons-le, le suivra jusqu’à la fin. Pour ça, il avait fait appel à un vieil ami à lui, un vieil exterminateur à la retraite qui se contentait maintenant de forger des armes plutôt que de partir à l’aventure, il était connu pour savoir quel Yokai correspondait à son porteur, ce qui évitait bien des problèmes de rejet.
A peine le duo père/fils était rentré dans la forge du vieux, ce dernier se retourna avec un air surprit et frissonna comme si un blizzard venait d’entrer, ce qui était étonnant pour un homme travaillant avec le feu. Yukio ne comprit pas trop ce qu’il se passait, il s’était fait attirer dans une salle collée à la forge et le vieil homme l’inspectait de tous les côtés.
« Mhh. Oui. Tu seras parfait pour elle. » Avait-il fini par lâcher avec un sourire édenté.
« Elle ? » Avait questionné Yukio, intrigué de savoir de qui il parlait.
« Je vais te faire ton arme gamin, toi tu restes ici en attendant, j'aime pas être dérangé. » Avait lâché le forgeron, le laissant avec d’autres personnes qui avaient ce rôle.
Yukio regarda partir le vieux, sceptique, mais il fit ce qu'il lui avait dit et en profita pour faire une sieste, assis, le dos contre le mur.
Il se sentit revenir au moment où un poids lui fut posé dans les mains et un grand frisson lui parcouru le corps. Yukio ouvrit les yeux et découvrit son arme, un katana aussi blanc que lui, aussi froid que lui.
« L’esprit d’une Yuki-Onna est enfermée dans cette arme, la femme des neiges, celle qui emprisonne ses victimes sous sa forme de tempêtes de neiges, lie-toi à elle maintenant, donne-lui un nom. » Avait lâché le vieux forgeron en s’inclinant devant sa création.
Bizarrement, ce fut comme une évidence quand on lui demanda, les doigts glissant sur la dame avec une délicatesse sans nom, Yukio sourit en murmurant doucement…
« Furēku . »
Il avait eu l’impression de sentir la lame vibrer à peine sous ses doigts, mais il se sentait déjà si proche d’elle, moins seul.
« Bien, n’oublie pas d’en prendre soin, je pense que ton père t’a déjà expliqué les problèmes que ça attire de rompre le lien avec son arme. »
Le jeune homme avait hoché la tête avant de se relever, de ranger le katana à sa taille et de s’incliner devant le forgeron pour le remercier de sa création.
Chapitre IV : Douce liberté
En partant pour sa propre vie, Yukio s’était tatoué le même emblème que son père, un oiseau, seulement il l’avait mélangé à un flocon, pour se représenter à son tour. Sur le dos de sa main droite il le cachait, pour se rappeler que chaque coup qu’il mettrait, chaque pas qu’il ferait vers la liberté il la devait qu’à un seul homme, celui qui l’avait adopté.
Yukio obtenu son Yokai à l’âge de 19 ans, pendant une de ses quêtes dans des montagnes enneigées, après un combat acharné, il était tombé sur un œuf abandonné à la vue de tous, tout comme lui l’avait été. Voyant la taille imposante de l’œuf, le jeune homme s’était douté que ce n’était pas une créature ordinaire, mais il avait décidé de le sauver, de lui donner la chance qu’il avait eu lui aussi. Alors pendant de longs mois il gardait l’œuf contre lui, en prenant soin plus que sa propre vie et quand l’éclosion vint enfin, il découvrit son petit compagnon.
Un Basan, oiseau connu pour cracher du feu, mais celui-ci était aussi blanc que neige, alors Yukio le nomma Fubuki. L’homme se remercia mentalement d’être cultivé car il avait des connaissances sur cette race de Yokai et put donc l’élever assez facilement.
Fubuki ressemblait toutefois à son maître, il aimait le froid, n’aimait pas les gens, adorait manger et jouer des farces. C’était souvent à cause de lui que Yukio se retrouvait dans des situations pas possibles. L’oiseau se postait dans la capuche de la cape du jeune homme ou sur son épaule et quand il avait eu la corpulence pour, il avait appris à voler avec l’aide de l’exterminateur.
Si on devait parler de la relation entre Fubuki et Yukio, elle serait un mélange d’une mère et son enfant et deux meilleurs amis. L’exterminateur protège, voir surprotège son petit compagnon, il faut dire qu’étant jeune, le Yokai n’en rate pas une. Par exemple, il adore cracher de petites flammes blanches, celles-ci sont inoffensives, elles servent seulement de lumière, mais certaines situations font qu’il faut éviter d’émettre bruit et lumière et ça Fubuki ne l’a pas encore compris. Une fois Yukio avait une mission qui consistait à ramener un Ushi-Oni, ce démon vache araignée horriblement dégoûtant aux yeux du jeune homme, alors quand son oiseau de compagnie s’est amusé à cracher du feu dans la nuit alors que l’exterminateur voulait faire une embuscade… Ils se sont fait poursuivre pendant un moment avant de pouvoir y échapper.
De plus, Fubuki adore se servir quand ils traversent des rues marchandes et Yukio ne le voyant parfois qu’au dernier moment se retrouve à devoir parler avec des gens, à bégayer de gêne. Tout comme toutes les fois où l’oiseau rentre dans des gens, des ennemis en volant, par sa maladresse, que des situations que son maître doit se dépatouiller après. Mais bon, ils s’aiment et se le rendent bien.
Ainsi, Hoshino Yukio a maintenant 25 ans, continuant son métier sur les routes et cherchant toujours un sens à la vie, au bonheur, à la liberté.