MS1. Festival de l'O-bon

Les deux semaines passées se sont écoulées assez rapidement. Tu as découvert d’autres choses sur cette femme, vous avez eu du temps devant vous pour discuter, pour que tes envies se soient également multipliées à son sujet. Il est rare que le Grand Sasori soit vu avec une compagnie humaine, mais là où vous allez, peu de gens te connaissent. Du moins, tu le supposes.

Vous avez dépassé Hida et Mino, pour rejoindre la province de Kai, qui abrite avec la Province de Suruga, ce fameux mont qui attise la curiosité de ta charmante compagnie. Le voyage s’est fait à l’aide de chevaux. Autant tu lui as proposé un canasson, autant tu as immédiatement compris qu’elle n’avait jamais monté une de ces bêtes. Tu ne lui avais pas laissé le choix, et de ta poigne puissante l’avait soulevé jusqu’à ta hauteur pour la poser sur tes genoux. Une solution qui avait largement suffit à vous contenter, tous les deux.

Cela avait été difficile. Toi qui n’aimes pas les contacts, elle s’était accrochée à toi, tu l’avais aussi maintenu d’un bras, tandis que les brides étaient dans ton autre main. Vous aviez changé de monture, plusieurs fois sur le chemin, échangeant les bêtes épuisées contre d’autres, plus robustes et endurantes pour continuer jusqu’à la Province de Kai. Tu as de l’argent, rien de tout cela n’avait été un problème pour toi. Bien sûr, tu n’as pas non plus tué les canassons à la tâche, vous avez du faire des arrêts pour manger. Parce que si tu es capable de ne rien manger pendant des semaines, les humains sont différents.

À part ces désagréments typiquement mortels, la destination est visible. Le Mont Fuji s’étend avec une certaine prestance devant vos yeux, tu n’affiches pas grand-chose, tu te contentes d’observer les alentours à la recherche d’un village qui pourrait accueillir le cheval, ainsi que vos personnes pour une nuit. Emi aimerait certainement dormir dans un lit plutôt que sur le dos d’un cheval, dans tes bras, ou à même le sol à la belle étoile.

La vérité, c’est que vous ne vous êtes pas beaucoup arrêtés. Sauf pour l’humaine. Mais jamais trop longtemps.

C’est donc après avoir trouvé de quoi laisser le cheval se reposer, que tu as glissé tes mains dans tes longues manches pour marcher aux côtés de cette femme. Elle semble beaucoup s’amuser à observer, à découvrir ce festival, même si elle ne te lâche pas d’une semelle. Bizarrement, elle apprécie ta compagnie, et cette proximité presque embêtante et étouffante. Tu n’y es toujours pas habitué, essayant de trouver des moyens d’esquiver sa main dans la tienne, ou bien d’autres petites choses de ce genre. Cependant, tu n’y arrives pas.

Le fait que vous ayez voyagé sur le dos d’un seul cheval n’a pas aidé à ta fuite.

Tu te fais entraîner doucement vers le fond du village, là où la curiosité d’Emi la pousse à aller. Elle te tire presque vers un vieil homme qui ramasse des morceaux de poterie sur le sol, qui râle et maudit tu ne sais quoi pour ce malheur. Tu n’y fais presque pas attention, jaugeant les deux autres personnes présentes. Une jeune femme qui retient ton attention, une humaine comme Emi, mais qui possède des pouvoirs de purification que tu n’as pas forcément envie de connaître. Son énergie spirituelle est douce, et tu y as déjà goûté, pour avoir rendu les quelques fragments de perle qui s’étaient teints de noir après ton utilisation.

Que fait-elle ici ? Toute seule ? Son chien n’est pas avec elle aujourd’hui.

Après les paroles du vieillard, tu remarques que ta compagnie est intéressée par les événements. Voilà qui mouvemente bien rapidement votre voyage tranquille. Cela ne te gêne pas tant que ça, s’il s’agissait de Yôkai, cela te donnerait l’occasion d’apprendre quelques petites choses à l’humaine. Bien que d’autres personnes sont présentes, tu restes concentré sur ton humaine. « Puisque l’impatience se lit dans vos yeux, nous aiderons cet homme. »

Tu adresses alors un sourire carnassier au dit vieil humain, montrant par la même occasion tes canines pointues. Il n’est pas difficile de deviner que tu n’es pas mortel, tes marques noires, tes doubles yeux rouges, ainsi que tes ongles anormalement longs et noirs sont des signes démoniaques. Tu te fiches pas mal de la crainte ou de l’admiration que peut générer ton apparence, tu n’aimes pas te cacher derrière un masque.

Tu t’aimes beaucoup trop pour cela.

La prêtresse te fait un signe de tête, auquel tu réponds vaguement par le même geste. Ton attention se porte sur le cimetière qui s’étend devant toi, tu ne sais pas ce que tu dois en penser. Il n’y a aucun présence démoniaque, ni même aucun pouvoir spirituel à part celui de Kagome et l’aura sombre de cette femme qui t’accompagne. Tu es très vite attiré par l’odeur d’un volatile, qui se pose sans délicatesse sur Emi. Tu le regardes de ton air naturellement hautain, remarquant qu’un autre humain s’approche tout en dévorant ses nouilles. Il semble gêné de l’acte de son poulet et vient le chercher. Tu essaies de ne pas réagir de manière excessive, parce que tuer immédiatement ces gens ne t’avancerait à rien.

Tu sens que cette femme est intriguée par ces nouvelles personnes, tu te contentes de lever les yeux au ciel et reporter ton attention sur Kagome. « J’ai appris la défaite de Naraku. Félicitations, je savais que les fragments étaient entre de bonnes mains. » Mensonge. Tu avais voulu les utiliser pour devenir plus puissant, mais l’avis de Kiseki comptant énormément pour toi, tu y avais renoncé. Bien que tu ne les avais ni avalé, ni incrusté dans ta chair, tu avais pu ressentir une vague d’énergie ruisselant à l’intérieur de toi. Disons que sur le moment, ça avait trompé ton ennui mortel d’être immortel.

Le vieil homme va être aidé par suffisamment de monde pour aller prier et faire son festival tranquillement. Toi, tu pourras profiter de la vue. Tu n’as pas souvent visité le Mont Fuji, tu n’en as jamais saisi l’intérêt général des gens pour cette montagne. Elle a, certes, un côté magique, divin, voire diablement mystérieux, mais pas de quoi fouetter un Daiyôkai.

Lorsque le faible humain quasiment aux portes de la mort distribue un talisman pour chacun d’entre vous, tu le saisis sans hésiter. Tu fronces les sourcils, en constatant que tu ne sens aucun effet, aucun pouvoir dans cette poche de couleur. Tu le portes à ton nez, le renifles et constates qu’à l’intérieur, il s’agit de feuilles de thé séchées. Un sourcil se lève sur ton front, alors que ton regard rencontre celui des autres. Pour une fois que tu ne te moques pas ouvertement … On va profiter de ton calme pour passer à autre chose.

Tu ne dis rien.
Pas de remarques désagréables.
Pas de sourire moqueur.


Le vieil homme se décide à partir, non sans continuer de te jeter des regards étranges. Du haut de ton mètre quatre-vingts, tu le jauges à ton tour, sans détourner les yeux. Il ne manquerait plus que ça, que tu aies peur d’un demi-cadavre.

Il est temps de passer au nettoyage du cimetière. C’est très peu pour toi. Tu n’es pas du genre à faire ce genre de besognes, tu délaisses alors l’humaine qui t’accompagne pour marcher le longs des allées funèbres. Il n’y a toujours aucune aura démoniaque, aucune énergie spirituelle en plus, tu ne sais pas ce qu’il se passe ici, mais tu t’imagines plutôt des gamins faire des blagues.

Un bruit se fait entendre non loin de toi et immédiatement tu te retournes, les sourcils froncés, perplexe. Une tombe vient d’être fendue en deux, et tu n’as absolument rien entendu. Pas de pas de gosses, pas d’odeur en particulier, juste le vent et le parfum de la montagne sous cette trop grande chaleur. Tout le monde se ramène, Emi ne manque évidemment pas à l’appel avec ses Shikigami, qui virevoltent çà et là selon ses envies à elle.

Tu regardes alors Kagome et l’homme aux cheveux blancs, avec son compagnon volant, tour à tour. « Est-ce que vous sentez une énergie en particulier ici ? » Tu regardes le talisman que tu as dans la main et l’inspectes alors sous toutes les coutures pour essayer de trouver un indice, quelque chose qui pourrait te mettre sur la voie. Mais rien.

Inconsciemment, tu t’es rapproché de ta charmante compagnie, comme pour la protéger, comme pour être prêt à tout. Tu l’as fait sans t’en rendre compte, même si ton comportement pourrait être comparé à un protecteur. Est-ce le cas ? Non. Tu ne la protèges pas, surtout après l’épisode que vous avez vécu en chemin. Tout est confus, tu n’y penses d’ailleurs pas. Pour éviter d’être trop perdu.

Commence alors une enquête qui tue ton ennui. Une petite excitation s’empare de tes entrailles, alors que vous cherchez ce qui a pu couper cette pierre tombale. Ou CE qui a pu faire ça si près de toi sans que tu ne sentes quoi que ce soit. Avec la présence d’Emi à tes côtés, tu regardes avec attention ton environnement pour y déceler quelque chose, tes quatre yeux totalement ouverts pour une meilleure couverture des lieux.

Et puis, sur la surface du pied de la montagne, une légère ondulation perturbe la roche. Tu plisses les yeux, tenant presque l’humaine à distance de cet étrange phénomène, alors que tu glisses quelques mots, sur un ton hésitant. « Vous voyez ça ? » Tu montres du doigt la direction de la plaque floue qui semble danser pour vous narguer.

Tu peux aisément sentir une petite tension lorsque Kagome te répond que le principal est que tout soit fini. Tu devines qu’elle ne souhaite pas s’aventurer sur le sujet et cela te convient parfaitement. Tu n’es pas d’humeur à faire la conversation. Tu dois déjà faire une bonne action en aidant ce vieillard avec ce cimetière. Tu te mets à te demander pourquoi tu fais tout cela. Pour Emi ? Non, ça ne peut pas être ça. Pour casser ton ennui ? Oui, certainement. Tout cela sort de l’ordinaire. Il faut bien avouer que depuis que tu es avec cette femme, tu as eu des moments de calme, mais tu n’as pas souvenir que ces derniers jours, l’ennui se soit glissé dans ton esprit. Tu es plutôt satisfait de ce côté-là, en plus de l’être d’une toute autre manière …

Un silence revient lentement. Du moment où tu décides de vagabonder dans les allées du cimetière qui a l’air abandonné pendant que les autres s’affairent à nettoyer, ranger, ordonner le lieu. Jusqu’à la découverte de cette forme étrange après le fracas d’une tombe. Ta curiosité est piquée, non seulement par l’absence de présence démoniaque, humaine ou quoi que ce soit d’autre, mais en plus par cette déformation sur les roches de la montagne. Tu te demandes ce que ça peut être. Tu jettes un œil vers Emi, veillant à ce qu’elle ne s’approche pas trop de cette chose inconnue.

Un Yoki familier s’approche doucement de l’endroit où vous vous trouvez et c’est avec un sourcil levé, un rictus à peine dissimulé que tu regardes vers l’entrée du cimetière. Tu es curieux de savoir pourquoi elle se trouve ici, à cet endroit précis, mais cela ne te déplaît pas. Cela fait quelques temps maintenant que vous ne vous êtes pas croisés. La vie joue son rôle à la perfection, elle a tendance à déserter quand toi, tu ne bouges pas. Et inversement. Difficile d’avoir une vie maritale intéressante dans ces cas-là.

Aux côtés d’Emi, jetant des regards sur cette forme étrange, pour vérifier qu’elle ne bouge pas, tu entends les pas d’Akane vous rejoindre, comme si c’était la chose la plus naturelle qui soit. De sa démarche assurée et presque féline, elle se met à quelques petits mètres de votre groupe varié et sans attendre, elle te balance une pique. Tu ne peux t’empêcher de pouffer un peu, et de la provoquer du regard. « Tu sais l’amour que je porte aux humains. » Un sourire énigmatique fend ton visage. Ce genre d’allusions que seule Akane peut réellement comprendre.

Entre vos massacres passés, vos bains de sang au sens propre du terme, vos escapades amoureuses et vos ébats sexuels pour le moins … Particuliers, elle comprendrait assurément. Tu as aussi cette nouvelle tendance depuis quelques années à protéger les fourmis de Hida et Mino. Kiseki a un tel pouvoir sur toi … C’en est dément.

« Bonjour à toi, Akane. » La question suivante d’Akane passe à la trappe lorsque Kagome prend le relais. Tu as presque envie de soupirer de remerciement, tu n’as pas envie d’expliquer pourquoi tu te balades avec une humain au bras, et surtout quel genre de plaisir malsain tu lui fais découvrir. Tu es à l’aise avec les cachotteries, mais tu as envie de laisser faire avant d’en parler plus longuement. La prêtresse la salue alors et ensuite répond qu’elle voit bien quelque chose onduler sur la surface.

Tes yeux balayent le cimetière à la recherche d’un indice, d’un petit farceur qui s’amuserait à faire tourner en bourrique le vieil humain depuis des jours, mais rien. Il n’y a que le silence et l’absence de mouvements qui répondent à tes interrogations. Cet endroit est énigmatique.

Délaissant un peu la conversation, tu t’approches alors d’un pas confiant vers cette forme pour l’analyser de plus près. C’est étrange. Cela ressemble à la surface d’une flaque d’eau perturbée par une douce brise. Tu plisses les yeux, essayant d’y déceler quelque chose, et ta main s’approche pour toucher ce mystère. Tes doigts y sont presque. Tu t’apprêtes à toucher la surface, lorsqu’une forme étrange te traverse et te coupe le souffle une seconde.

Tu restes inerte l’espace d’un instant, surpris par la sensation que tu viens de ressentir. Une sorte de vent glacial parcourant ton corps tout entier, volant ton souffle l’espace d’une seconde. Tu jurerais que ton cœur s’est arrêté pendant un simple battement de cil, mais c’est impossible, car il n’est plus concrètement présent dans ta poitrine. Tu te tournes vivement pour essayer de comprendre ce qu’il vient de se passer, tu essaies de suivre des yeux la forme opaque qui s’amuse à passer d’un corps à un autre. Une surprise rare est peinte sur ton visage, le Grand Sasori vient de vivre quelque chose de nouveau.

Tu plisses les yeux, il est difficile de se focaliser sur cette forme blanche qui virevolte. Tout d’abord, parce qu’elle est rapide, mais ensuite parce qu’elle continue de voyager à l’intérieur de ton corps sans craindre des représailles. La situation commence à t’agacer, tu tends la main devant toi et accumules de la chaleur pour qu’ensuite une petite boule de feu soit visible.

Aucune parole ne sort de ta bouche, cependant ton regard en dit long sur tes intentions. La forme semble s’arrêter un instant, comme surprise ou effrayée, le temps que tu comprennes qu’il s’agisse d’un esprit ou d’un fantôme … Une forme semi-humaine peut être reconnue malgré l’opacité de la chose.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

Tu places une main défensive devant Emi, tandis que, à la vitesse de la lumière, l’esprit repart derrière la roche. Un haussement de sourcil déforme ton front, et ton regard se porte sur les deux femmes à quelques pas. « Que s’est-il passé ? » En effet, tu es un peu perdu pour le coup.