Miyako - Songe d'une nuit d'été

C’était une nuit, ou peut être une journée bien sombre. En tout cas l’orage avait couvert le ciel de sa puissance, et dévoré la lumière qui normalement baignait les habitant de la montagne de sa chaleur. Vents hurlants, froid glacial et arbres couchés sous la puissance du souffle divin, le Mont Kameyama accueillit en cette journée tempétueuse une nouvelle âme, une nouvelle vie. Présage de temps changeant et de journées tumultueuses à venir, cette journée vit en effet arriver en ce monde Miyako, une jeune Tengu aux yeux brillants et au cri strident. Un bec courbé, des yeux jaunes perçants et un plumage deveteux moucheté, blanc et noir parsemant un peau rose encore visible, c’était un joli petit rapace qui avait vu le jour. Plus proche en apparence des anciens de sa race que des nouvelles apparitions récente, s’il elle avait vu le jour en Europe, on lui aurait donné le nom de Harpie. Mais ses yeux s’étaient ouverts au pays du soleil levant, au Japon et c’était donc de Tengu qu’elle était de race.

À la fois aimée pour sa pureté par les anciens et méprisée pour son apparence étrange par ses contemporains, Miyako était de physique étonnant même parmi les siens. Son corps spécial demandait également que des habits adaptés soient faits, que nenni de Geta traditionnelles et Kimono classique, il fallait tout adapter à son apparence atypique. Des ailes qui auraient du sortir du dos, mais qui s’étaient données comme mission de peupler ses bras, une queue bien trop longue et des pattes bien trop fourchues découla un besoin de création spécifique dans les apparats de la jeune Tengu, qu’on parle d’atours quotidiens ou de tenues rituelles nécessaires à la vie en société Tengu.

Grandissant sur le Mont se situant en plein milieu d’une ville humaine, Miyako apprit rapidement la différence entre Yokais et Humains, et la différence entre les Humains « nobles » et les autres. Oui, il y avait de grandes différences, ne serait ce que dans l’hygiène et la manière de se tenir. Plus le temps passait et plus son mépris pour les humains grandissait, ces créatures incapables de faire autre chose que se battre, se rouler dans la boue pour un peu de terre et trahir les leurs pour un peu d’or. Des choses éphémères, que leur petite vie rapide ne pourrait pas garder longtemps. Non, il n’y avait rien qui soit réellement important ou intéressant chez les humains, alors Miyako s’en détourna et les ignorant, et cela pendant de nombreuses années.



Les années passèrent, les saisons se succédèrent et rien ne changea réellement sur le Mont Kameyama. Non, rien ne changeait jamais sur ce Mont, et franchement, Miyako commençait à s’en lasser. Influencée, peut être, par le rapace en elle, elle désirait voir de nouveaux horizons, de nouvelles choses ; avoir une Aventure digne d’une histoire épique, une histoire qui serait contée par les siens pendant des centaines d’années à venir.

Quand le jour de son initiation à l’âge adulte se profila, elle sortit de chez elle, de sa maison dans les arbres, de cette demeure qui lui avait été construite peu après ses 10 ans, et elle se dirigea vers le bord Est du Mont. Posant son derrière au bord du précipice, elle étala d’un geste habitué sa queue derrière elle. Lissant lentement ses rectrices, elle baissa les yeux sur la ville que surplombait leur territoire, ses yeux perdus dans le vide, perdus dans la réflexion d’une possibilité à venir.

« Miyako … il est l’heure. »

Une voix ancienne se leva derrière elle, une voix qui sentait la sagesse et les années passées. Tournant la tête, elle put constater qu'Akamine, un des Anciens de leur clan, s’était déplacé pour venir la chercher. Était ce là un honneur ou un bourreau venu conduire sa victime à la potence, elle n’aurait trop su le dire. Cette cérémonie allait tester son pouvoir, sa concentration et sa capacité à s’adapter. En sortirait elle vivante et adulte ou enveloppe vide de ce qu’elle aurait pu être, elle n’était pas devineresse et n’aurait su s’avancer. Elle avait confiance en ce qu’elle était, en qui elle était, mais il y avait toujours une marge d’erreur, une petite possibilité pour que quelque chose cloche.

Alors, elle ferma les yeux quelques instants, avant de se redresser, dans son Furisode spécialement préparé pour l’occasion (une chose immonde faite de rose, de blanc et de rouge) et de suivre l’Ancien sans rien dire. L’heure n’était pas à la rigolade, à la dérision ou à la crise de nerf, non, l’heure était à la concentration et ce fut donc ce qu’elle entreprit de faire.

Entrant dans le temple dédié à leur Pouvoir, dédié à leur Évolution, taillé directement dans la pierre du Mont, elle ne sursauta pas quand l’énorme porte en fonte se referma derrière elle, mais elle tourna la tête. Elle, qui était rapace diurne, ne voyait pas mieux dans le noir que la plupart des autres Yokais, mais les torches allumées le long des murs l’aidaient suffisamment à la vision pour qu’elle ne se trébuche pas dessus.
Dans cette grotte qui la retint prisonnière pendant 7 Jours et 7 Nuits, elle apprit à ne faire qu’un avec son pouvoir, à le découvrir, à le dompter. Dans cette grotte humide et mal décorée, elle apprit à maîtriser la transformation en l’être humain, car de l’instant où elle posa le pied dans cette grotte jusqu’au celui d'où elle en sortit, elle garda son apparence humaine. Il était là le temps maximum qu’elle pouvait conserver, comme tous les siens. De ce temple, de cette prison, elle ressortit avec un morphisme plus grand, une capacité à maîtriser son pouvoir plus avancé et un corps plus résistant qu’avant.

En commémoration d’un passage à l’âge adulte, elle obtint du forgeron de son Clan un Éventail de Guerre, une arme qui lui servirait à bien mieux maîtriser son pouvoir. Du Chef de son Clan, elle obtint un masque rituel, au grand nez rouge, signification de son état d’adulte. Et de cette expérience, elle obtint des cicatrices, une résistance accrue au froid et une haine profonde de l’humidité.

À présent reconnue comme adulte, elle aurait voix dans les décisions importantes du clan, elle aurait voix dans l’éducation des plus jeunes, mais par-dessus tout, elle aurait voix sur son propre destin. Elle pourrait choisir ce qu’elle désirait vivre et être.



Pour un Yokai qui vivra plusieurs centaines d’années, parfois même plus, le temps sera toujours quelque chose de relatif. Aussi, entre l’instant où Miyako décida de quitter le Mont de sa naissance et l’instant où elle prit son envol, plusieurs années se passèrent.

C’était un beau matin ,d’une journée qui serait tout aussi belle, qui vit Miyako descendre la pente du territoire de son Clan, corps transformé en celui d’une Femme, pour entrer dans la ville des humains. Depuis son passage à l’âge adulte, elle avait plusieurs fois visité la ville, pour s’habituer aux humains et à leurs coutumes. Méprisante ou non, elle se devait de savoir dans quoi elle mettait les pieds avant de penser à se lancer dans son Aventure.

C’était donc en cette journée qu’elle s’élança dans ce qui serait la plus grande aventure de toute sa vie, une vie de nomade qui ne se poserait nul part. Son Clan ne se rendrait compte de son absence définitive que venant la Nuit et aucun retour de sa personne. Les Recherches seraient lancées, les informations recueillis, il y aurait une crise de nerf, une vocifération de colère et une petite tempête qui ferait trembler les humains, en haut du Mont Kameyama. Oui, c’était une décision qu’elle avait prise en connaissance de cause.

En partant du territoire ancestral, elle reniait ses liens et ses racines, et provoquait la colère des siens. Si elle remettait les pieds en cette ville, en ce Mont, elle devrait venir les bras couverts de cadeaux et l’échine courbée.

Plutôt mourir.

Alors, le pied leste et la démarche chaloupée, elle s’élança dans sa nouvelle vie.



Mōkin, qui pouvait se traduire par l’Oiseau de Proie, la troupe d’artistes itinérants qui se baladait de village humain en Clans Yokais, était connue de tous. Mōkin la troupe itinérante s’arrêtait pour divertir les gens, pour arracher des rires, des Aahhhh, des Ooooooh à toute âme qu’elle croisait. Fier de son travail et de ses acteurs, Mōkin ne quittait jamais un endroit avant d’avoir enjoint la foule à crier un encore.

Comment Mōkin avait elle vue le jour ? C’était une soirée d’automne, somme toute banale, qui vit une jeune femme entrer dans un village miteux. C’était un village tout aussi banal que cette journée, peuplé d’hommes et de femmes boueux et à l’hygiène douteuse. Les Getas de la jeune femme faisaient un bruit de succion en avançant, son visage avenant n’indiquant en rien le dégoût qu’elle ressentait.

Comme la plupart des Yokais, l’apparence humaine de Miyako était « belle », une élégance profonde qui n’avait rien à envier à la royauté de ces créatures à la vie courte. Elle, qui avait le port altier, n’avait pas réellement sa place dans un endroit comme celui-ci, et les yeux curieux qui la suivaient partout en étaient un témoignage.

Miyako ne faisait réellement que passer, décidée à s’acheter quelque nourriture et peut être un manteau pour faire illusion (elle, qui ne sentait jamais la morsure du froid, paraîtrait encore plus bizarre aux yeux des humains qui grelottaient). C’était donc pour cette raison qu’elle était entrée dans ce village et non pas pour ce qui allait se passer par la suite.

Car, quelle ne fut pas sa surprise en entant un instrument dans ce coin perdu. Il faut savoir, que rare sont les roturiers capables de jouer de la musique. Ils n’ont, après tout, pas que ça à faire. L’art et le développement créatif sont des loisirs de riches, de noble et donc trouver une musique agréable dans ce coin perdu était une curiosité qui attira les pieds de la Yokai.

Quand elle arriva enfin à l’endroit recherché, ce qu’elle trouva fut un homme. Il n’était pas particulièrement beau, la peau tannée par le temps passé au soleil, les cheveux rêches et les loques de ceux qui travaillent. Son visage était vaillant et ses pommettes hautes, mais c’était là tout ce qu’il avait pour lui ; une bouche trop grande, un nez trop proéminent, des cicatrices lui couvrant le corps et même une partie du visage. Non, ce n’était pas là le plus bel homme qu’elle ait jamais vu.

Mais … dans la musique, il y avait quelque chose de magique. Cet homme si banal et si simple était magnifique dans le Son. En jouant de sa flûte de bambou, il semblait aspirer la lumière et l’attention de ceux qui l’entouraient. Miyako se sentit tétanisée à l’endroit même où elle se trouvait, terrassée par la perfection de ce moment. Cet homme assit sur un amas de souches de bois, jouant de la flûte, elle dans la boue et le froid, des humains travaillant autour d’eux. Pour la première fois, elle trouva un Homme beau.

La Magie de l’instant disparu quand l’homme ouvrit les yeux et écarta sa flûte de ses lèvres. Il redevint cet homme normal et banal, de cette journée banale dans ce village banale. Mais dans la rétine de Miyako naquit une obsession : entendre à nouveau ce Son.

« Bonjour … »

La voix de l’homme était presque aussi belle que le son de sa flûte, et pendant un instant Miyako se demanda si tout ce qui sortait de cette bouche était transformé. S’agissait-il là d’un de ces humains au pouvoir spirituel, capable de modifier l’air lui-même pour le rendre magique ? Peut-être, mais tout ce qui se passa à cet instant, c’est qu’un sourire épris prit naissance sur les lèvres de Miyako.

« Bonjour ! »

Ce fut le début d’une magnifique amitié entre un Yokai et un Humain. Avec le temps, Miyako apprit que Tamaki (le nom du joueur de flûte) n’avait rien de spirituel, c’était simplement un cadeau de la nature qui faisait son talent. Elle apprit qu’il était autodidacte et forgeron. Que son rêve était de créer des instruments comme les autres rêvaient de faire les meilleurs sabres.

Miyako vola cet homme, ce changeur d’avenir, à ce village banal pour lui offrir une vie extraordinaire, l’emportant sur les routes avec elle. Jeune d’à peine 14 printemps, l’Homme la suivit sans discuter, curieux de voir le monde pour s’améliorer, pour découvrir, pour apprendre. Ensemble, ils rencontrèrent d’autres personnes tout aussi extraordinaires, Hanyos et Yokais, parfois des Humains spéciaux. Miyako dépassa son mépris des Humains pour eux, eux qui étaient si particuliers, qui étaient si uniques, elle leur accorda son amour et son affection. Ils formèrent une famille. Une famille atypique, étrange et nomade : une vraie caravane. Ensemble, ils grandirent, ils s’agrandirent et certains eurent même des enfants ensemble.

Ce n’est qu’après 10 années côte à côte, tous avec leurs idées, tous avec leurs rêves, que la troupe se forma réellement. Tant un besoin d‘argent qu’un besoin de divertissement les entraîna dans cette étrange création qu’était une troupe itinérante du spectacle. C’est ainsi que naquit Mōkin.



Mōkin eut du succès, et ce, rapidement. Une harmonie parfaite de chaque race s’y trouvant, personne n’étant supérieur à l’autre, tous indispensables. C’est certainement pour cela que Miyako oublia que les humains mourraient jeunes.

Chie, la chanteuse humaine de leur troupe fut la première à les quitter, à l’âge tendre de 56 ans. Un âge déjà vénérable pour les humains. Oui, Miyako avait oublié à quel point les humains étaient fragiles. Alors en les voyant tomber les uns après les autres, au temps, à la maladie, à la violence des Hommes et des Yokais, elle perdit peu à peu la raison. La mort de Tamaki, son compagnon depuis quelques années, lui arracha un cri de douleur intense.

Sa troupe, sa famille, tenta de la faire se redresser, mais comme elle, les Hanyos et les Yokais voyaient les leurs mourir petit à petit, disparaître de leur vie, s’éteindre. Avec le dernier enfant perdu à la maladie des poumons, le fil tenu de l’esprit sain de Miyako craqua. Et les siens la suivirent dans sa folie.

S’en suivit des années de folie, de meurtre et de cannibalisme. Tuant, massacrant et dévorant ceux qui se dressaient en travers de leur chemin, la troupe s’apparenta plus à un groupe de bandits qu’à une troupe du spectacle. Dans leur chagrin, dans leur deuil, ils avaient oublié ce qui faisait d’eux une famille, un Clan unique. Leur douleur ne pouvait être stoppée, car ramener les morts à la vie ne faisait pas partie des nombreux pouvoirs qu’ils possédaient. Ils avaient bien sûr tenté de trouver des Yokais capablent de les aider, mais les corps des Humains se décomposaient, bientôt ils seraient plus rien, il ne resterait rien à ramener. S’il était possible pour Himiko, la Yuki-Onna de leur troupe, de congeler leurs corps, l’espoir de les voir revenir s’amenuisait un peu plus chaque jour passant sans trouver de solution.

Plusieurs années s’écoulèrent avant qu’ils n’abandonnent, ayant testé tout ce qu’ils pouvaient trouver, tout ce qu’ils pouvaient prendre ou voler pour tenter de les ramener. Mais non, même les pseudo-sacrifices maléfiques ne les ramèneraient pas, parce qu’après tout, ils les voulaient entier, et non une enveloppe vide à contrôler.

Pendant ces années, ils dévorèrent de nombreux petit Yokais pour tenter d’augmenter leur pouvoir et s’aider à la résurrection de leur famille. C’est quand ils commencèrent à dévorer des Humains de Pouvoir que les choses se compliquèrent. Une sorte de Chasse se mit en place contre eux, les Dévoreurs. Cette chasse dura de nombreuses années et ils perdirent certains des leurs, tuèrent un nombre certains de chasseurs de Yokais et perdirent encore plus en temps qu’en autre chose.

Il fallut près de 70 années à la Troupe pour se calmer. Peuplé de moins de 30 % de sa population initiale, à moitié féral et titré d’un des Clan Yokais le plus féroce du Japon, la Troupe disparue un soir d’Hivers dans une forêt pour ne plus en ressortir avant un cycle de vie d’homme.



Pendant ces années passées dans la forêt, ils vécurent et virent moult choses. Parfois, ils passaient des journées couchées sur le sol à regarder le ciel, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige, ils pouvaient passer une saison entière sans bouger, perdus dans leur dépression.

Quelques années après leur retranchement loin des Autres, un bruit les éveilla. Cette rencontre allait les éveiller physiquement, mais spirituellement aussi. Dans un coin reculé de la forêt, deux clans se menaient guerre : les loups et les panthères. Ce n’était pas chose rare que de voir deux Clans se battre, pour des questions de territoire, de femelle ou même juste pour un regard de travers. Non, ce n’était pas rare … ce qui l’était, c’était qu’un Daiyokai intervienne. Il est bon de savoir que les Daiyokais, la royauté des Yokais, ne se déplacent que rarement. Les Seigneurs nomades sont aussi rare que les Tengus quittant leur Montagne. C’est donc l’intrigue de quelque chose d’inédit qui leva la troupe dans sa curiosité et la força à bouger. Arrachant les plantes qui avaient pris racine sur eux, secouant la terre qui s’était déposée, ils s’avancèrent vers le bruit et la puissance.

C’est là qu’ils purent assister à un massacre, un unique Inugami contre de nombreux adversaires, les terrassant comme autant de poupées de bois ; mais leur nombre était trop grand pour pouvoir protéger tous les sujets du Chien. Le Daiyokai était une force de la nature, et son sourire féroce pouvait terrifier comme rassurer. Quand il les vit, il ne les contempla qu’un seul instant avant de décider qu’ils n’étaient pas agressifs, qu’ils n’attaqueraient pas. Et c’était la une décision pleine d’instinct qui se fiait autant à l’odeur de défaite qui entourait la troupe qu’à leur apparence miteuse.

Quand Toga, le Inu no Taisho, eut fini de mettre ses sujets à l’abri, il se tourna vers ces inconnus, ces vagabonds. S’en suivit une soirée de parole, de partage et d’interrogation. S’en suivit la reprise douce d’un possible espoir et même un rire ténu de Miyako. Ils n ‘étaient pas prêts à revoir le monde, mais Toga leur donnait l’espoir d’un jour pouvoir retourner à la civilisation. Il leur parla de ses enfants, de ses femmes et de ses espoirs, et dans ses paroles, ils pouvaient entendre un écho du leur, du passé. Ils se gorgèrent de cette possibilité, de ce peut-être, et reprirent un peu de poil de la bête. Ils se quittèrent sur un rire et la promesse d’une nouvelle rencontre.

Quand la Troupe ressortie de son isolation, un cycle de vie d’homme, soit quelque 60 années, s’étaient écoulées. Avec le temps, avec l’éloignement, ils s’étaient calmés, ils s’étaient maîtrisés. Quand ils ressortirent de la Forêt, ils étaient assez différents pour que personne ne se rappelle des Dévoreurs et ne fasse le rapprochement. Ils n’avaient plus l’apparence de vagabonds hagards, mais ils n’étaient plus les flamboyants de leurs débuts.

Aimables, avenants et charismatiques, ils recommencèrent à passer de petits villages en petits villages, avant de s’avancer vers les peuplements Yokais. Les Humains avaient oublié, mais les Yokais avaient la mémoire tenace, eux, et ils étaient reconnus et craint. S’ils ne demandaient (et ne demanderont) jamais pardon, car ils ne regrettent rien de leur tentative, ils n’attaquèrent plus jamais en premier, se contentant de se défendre contre ceux qui pensaient pouvoir les mater. À présent un peu fous, bien désenchantés et carrément réinventés, ils ne se laisseraient plus amadouer par les humains, même les Uniques.

Sortis de leur forêt, ils reprirent vie et se renseignèrent sur tout ce qui avait changé. C’est comme ça qu’ils apprirent les évolutions des différents Daiyokais, la mort de Toga qui serait regretté, l’avènement de nouveaux Monstres de pouvoir et bien d’autres petites choses qui avaient tout de même leur importance.

Ils reprirent du poil de la bête, mais changèrent le nom de leur Troupe et ses règles premières. Entre autre, ils n’accepteraient plus d’humains en leur sein, c’était là une expérience bien trop douloureuse que leur esprit ne survivrait pas une seconde fois. Ils renommèrent la troupe « Modoru » et s’avancèrent dans ce nouveau monde.

Peu à peu, ils arrivèrent à se distinguer, n’étant plus « la troupe » mais des individus à part entière. Miyako redevint la Chef de troupe, quitta son statut de membre d’un tout. Elle retrouva son sourire (même si faux la plupart du temps), sa volonté de vivre et de découvrir ainsi que son nom. Depuis combien de temps ne l’avait on pas appelé par son nom ? Elle ne se souvenait pas … Peut-être l’avait elle donné à Toga, mais elle n’en était plus sûr.

Ils se refirent une petite réputation, voguant et voyageant. Ils retrouvèrent leur popularité, les uns ayant oublié ceux qui furent, les autres choisissant de regarder tout en faisant attention.

C’est quelques années après être revenus dans le monde civilisé qu’ils apprirent l’existence d’un Yokai un peu … spécial. Naraku était son nom, et il voulait, comme bien d’autres Yokais avant lui, dominer le monde ou le détruire, Miyako n’avait pas vraiment écouter ce que le petit Kappa lui disait. Mais ce qu’elle avait retenu, c’était qu’il s’attaquait aux humains comme aux Yokais et les utilisaient dans ses plans débiles. Ils firent attention, mais à toute attention il y a point de vue mort. C’est ainsi qu’ils apprirent que Rōyakan, un des Yokais Loups qui les avait accueillis ces nombreuses années passées, un des gardiens de la forêt avec lequel ils avaient tissé un Lien, avait été utilisé comme Poupée. À cet instant, la Troupe se posa comme opposant à ce Yokai qu’ils auraient pu, peut être, compter parmi leurs clients.

Ils écoutèrent les agissements de Naraku et en prirent note, après tout, c’était là une Histoire Épique qui pourrait servir de spectacle, plus tard. Il leur fallait simplement attendre le dénouement de cette épopée.

À la mort de l’Araignée, Miyako se plongea directement dans l’écriture de l’épopée, ce qui lui prit 6 mois entiers. Sa famille, son clan, sa troupe prit soin d’elle quand elle se pencha sur la feuille, curieux de voir ce qu’il en ressortirait. Musique, tours et théâtre, elle découpa cette histoire en autant de possibilités qu’elle le pouvait, avant qu’un matin, elle ne s’étire et constate qu’elle avait fini.

Sur son visage un sourire plein de dents, sur ses joues du rouge et dans son corps une énergie qu’elle n’avait plus ressentie depuis la mort de sa famille. Oui, elle allait vivre pour eux et tirer sa troupe avec elle.

« A la conquête du monde ! »

Elle s’exclama dans un rire tonitruant, qui attira sa troupe, son Clan, son Coeur.