Sesshomaru - Can you hear the silence, can you see the dark, can you fix the broken

A l’horizon, le soleil agonise. Ses rayons rougeoyants, sanglants, s’étirent désespéramment vers le ciel. Céleste contemple avec impuissance la mort de l’astre tant aimé, une dernière fois, il savoure la chaleur de ses rayons avant que ne tombe l’obscurité.

La nuit englue le ciel. Encre épaisse, elle efface toutes traces de lumière. L’obscurité est vorace et braque, sur le monde, son unique œil blanc. La Lune n’est qu’un croissant, tapi sous la lourde paupière de l’être éthéré.

Sous lui, le monde reflète sa gloire. Il s’est vêtu d’un manteau à ses couleurs, d’ombres et d’argent, d’obscurité tapie sous une neige immaculée. Elle étouffe les sons, les vies. Destructrice. Sous son étreinte, les plantes périssent, les plus faibles disparaissent. Les chairs sont saisies de spasmes, elles tremblent sous les morsures de l’hiver. Quant à leurs âmes, désireuses d’un repos éternel, elles s’arrachent de leurs lèvres à chaque soupir.
Ce monde gelé est figé, indifférent, impassible. Vide et pourtant, empli de silence. De dangers. D’une présence mortelle et désincarnée.

Sesshomaru s’immobilise. L’une de ses mains garde son écharpe contre son torse, alors qu’il lève les yeux pour croiser l’unique prunelle de ce Yokai monstrueux. La nuit lui est familière, d’ailleurs, elle frissonne et concède à dévoiler quelques étoiles pour éclairer sa route. Sesshomaru reprend sa marche.  

Il ne craint plus le froid. La neige étouffe ses pas et pourtant, il avance. Bien qu’il ne produise pas le moindre son, il attire les regards. Une biche lève nerveusement la tête et agite ses oreilles, dans les chaumières, il arrive que la lueur tremblotante d’une bougie s’allume – qu’un regard le cherche, dans l’obscurité.

Sesshomaru ne s’arrête pas. Il marche, inlassablement. Parcourant ce chemin éternel recouvert d’un linceul blafard. Il est le Destructeur de Vie. Il est l’hiver. Il est la nuit elle-même.

Sa peau de porcelaine est un masque mortuaire, à jamais figé d’une expression inchangée. Rien ne semble pouvoir perturber sa sérénité. Un calme armé d’assurance. D’une vie déjà bien trop longue : il s’est détaché du monde. Ne dit-on pas que le calme précède la tempête ?

Il y a cette menace. Latente. La noblesse de ses traits s’harmonise d’une sauvagerie sans nom, elle se devine quand son masque se fend, l’on voit alors la Bête planter ses crocs dans ses lèvres, sa peau qui s’étire jusqu’à s’en déchirer. Elle laisse s’échapper le Monstre. Sous ses paupières lourdes, sous ses longs cils, luisent ses yeux d’or. Des yeux qui n’ont rien d’un astre chaleureux. L’on dit que ses mâchoires se sont refermées sur le soleil, si fort qu’il en a saigné. Ses rayons ardents, ensanglantés, ont lacéré ses joues. Sans pour autant réussir à se libérer. A présent, ses éclats sont prisonniers de ses pupilles avides.
Ceux qui considèrent l’or comme un métal doux n’ont jamais croisé son regard : il incarne à lui seul sa violence impitoyable, la froideur de son âme, telle que les rayons mêmes d’un soleil n’ont pas su l’échauffer. Un or que des siècles et des siècles d’existence n’ont pas su assouplir. Ni apaiser. Sous ses cils, persiste un combat entre une compassion naissante et une volonté implacable, le désir d’épargner et le devoir d’éliminer la faiblesse en ce monde. La vie n’a aucune valeurs à ses yeux et pourtant, il a appris à la respecter ; lorsqu’il doit l’arracher, il le fait sans hésiter, d’une main ferme et assurée. Il a tant de fois savouré les souffrances qu’il pouvait infliger qu’elles ne lui procurent plus la moindre satisfaction.

Qu’est-ce qui l’anime ? Qu’est-ce qui le pousse à toujours avancer ?

L’honneur. Le devoir. Certaines… Responsabilités. Tant de raisons qui, à elles seules, pourraient tout expliquer. Des raisons que l’humanité peut entendre. Comprendre.
Contrairement à la destruction qui vit dans ses veines. Ce maëlstrom fait d’émotions, de passions, que seules l’expérience et la volonté lui ont permis de discipliner. Il a tenté bien des fois de les étouffer, de les écraser, mais chaque victoire s’est accompagnée d’un retour de flammes. A peine pensait-il s’en être débarrassé qu’elles revenaient, violentes, incandescentes, manquant d’embraser sa raison sur leur passage. Certains souvenirs laissent une trace si brûlantes qu’y penser le fait frémir et son souffle se retient dans sa cage thoracique. Inutile de nourrir la souffrance, ces braises lovées au fond de sa cage thoracique : un soupir éveillerait le phénix. Il suffit d’une hésitation pour que les flammes se ravivent.

Les terres brûlées sont les plus fertiles. Avec les années, d’autres émotions ont vu le jour. Notamment une curiosité naissante pour ces vies qu’il a tant négligées. L’œil sur son front est un croissant, entrouvert sur un monde qu’il connaît à peine : celui des humains. Malgré des années d’ignorance, il lui arrive à présent de s’arrêter pour les étudier. S’il surprend un regard, Sesshomaru s’y éternise, quelques secondes. Comme s’il prenait conscience qu’un être vivant partageait de son temps – un être dont l’âme est habituée d’une histoire, de sentiments, d’une douleur ou d’une joie qu’il peine à percevoir.
Les aider ? Non. Sesshomaru n’est pas une âme charitable. Il ne peut effacer des siècles de mépris d’un claquement de doigts. Mais quelques exceptions confirment cette règle. Des humains. Des Yokai. Son propre frère.

Tiens, l’aube s’est-elle levée ?  

Sesshomaru s’arrête pour la contempler. Les heures passent si vite à présent. Plus il vieillit, plus le temps s’échappe, un battement de paupières et quelques heures se sont malicieusement enfuies de sa conscience.

Rapide description du caractère et quelques faits :
Confiant – Imperturbable – N’agit qu’après avoir réfléchi – A conscience de ses limites – Réfléchi – A des émotions qu’il a appris à canaliser – De plus en plus curieux pour l’Humanité – Peut se perdre quelques heures dans ses pensées – Garde toujours un œil sur son désir viscéral de destruction – Ne désire plus s’y abandonner – Se montre plus protecteur qu’on ne pourrait le croire, envers son frère et ses compagnons – N’a plus le goût en la violence (en tous cas, rares sont ceux qui réveillent ce plaisir en lui) – N’a souvent pas l’énergie de débattre, privilégie des réponses courtes ou mieux, un silence méprisant et l’ignorance paisible d’un homme qui a trop vu (a entendu trop de sottises) – Ne s’intéresse pas à l’idée d’être plus puissant, se considère déjà comme tel – Tue sans hésiter lorsque cela est nécessaire, ne fait plus souffrir ses victimes – Essaye d’apprendre la compassion mais n’est pas le plus doué pour ça – Préserve en réalité une ambition que ses victoires n’ont pas suffi à apaiser – A un certain sens de l’honneur

Rang : Inu-Daiyōkai
Pouvoir : Dokkasō (Les mâchoires de Sesshomaru renferment un poison acide des plus terribles)
Light Whip (Il est capable de matérialiser une étrange énergie au bout de ses griffes : cette énergie peut agir comme le ferait un fouet… dont les lanières peuvent se gorger d’un poison corrosif)

Arme : Tenseiga : Cette arme a été forgée avec l’un des crocs de son père ; elle serait capable de guérir les blessures, notamment les plus mortelles. L’on prétend qu’elle serait capable de ramener les âmes prêtes à s’égarer vers l’Autremonde…
Bakusaiga : Cette arme est née des mains de Sesshomaru. L’incarnation de son pouvoir. Le poison qui imprègne sa lame est dotée d’impressionnantes capacités corrosives.

Capacité passive : Capable de voler
Faiblesse : D’importantes blessures physiques, sensible au poison et particulièrement aux pouvoirs spirituels

_ Sesshomaru. As-tu quelqu’un à protéger ?

Cette phrase. Sesshomaru cligna des paupières lorsqu’il l’entendit. Décontenancé, il leva les yeux vers son père. Protéger ? Qu’a-t-il à protéger ?

Ses mains lui paraissaient si vides, ses doigts s’étaient refermés, il ne sentait que le contact du vent contre sa peau. Il n’avait jamais été dérangé par sa solitude. Il n’a personne. Personne.

Que son Père et sa Mère, deux Démons. Ils ont marché, avant lui, sur ce champ couvert d’une neige éternelle.

L’enfant a mis les pas dans ceux des aînés. Il les a suivis sur ce chemin, traversant les nuits et les siècles. Il s’est nourri du sang qu’ils ont versé, des victoires qu’ils ont remportées. Il a grandi dans ce monde où les ennemis de son Père tombaient un à un devant lui, où l’Univers entier ne semblait tourner qu’autour de lui. Pas d’obstacles, il n’y avait que cette puissance écrasante, rien qui ne le résistait et lui courait à sa suite.
Toujours derrière, son corps s’est allongé, sa chevelure a poussé. Les graines plantées dans son esprit germèrent, en désirs inavouables, en violence, en soif de sang et de carnage. Il prit goût à sa puissance naissante, à cette sensation terriblement grisante. Il voulait plus ! Toujours plus ! Mais un jour, un obstacle de taille se présenta devant lui.
Son propre Père. Toujours, éternellement, devant lui. L’ultime obstacle à franchir – que lui dissimulait-il ? Que se trouvait-il devant cette route infinie ?

Sesshomaru n’avait pas de rêves. Il n’avait pas d’espoirs. Il ne connaissait que la joie viscérale de l’emporter, celle de vouloir dévorer le monde et le faible sous ses crocs affamés. L’ambition ? C’est ainsi qu’il dissimulerait la véritable source de sa souffrance : celle que son père ne s’était jamais tourné vers lui.

Le renverser, le mettre à terre, c’était récupérer ses armes, c’était mettre fin à ce chemin qu’il menait loin de lui ! C’était marcher à côté de lui, peut-être devant lui, et non plus derrière lui.

_ Non. Je n’ai personne.

Son Père était invulnérable, il n’avait pas besoin de sa protection. Sa Mère ne craignait rien. Sesshomaru n’avait pas même sa vie à protéger. Quelle valeurs avait-elle, de toute façon. Son père s’éloigna sans se détourner. Le souvenir de son dos, de sa chevelure s’agitant sous la brise, l’ont marqué tout autant que ses derniers mots.

L’impossible se réalisa quelques temps plus tard.

La disparition de son père fut l’effondrement d’un monde ; la réalité le poignarda de plein fouet. L’invincible fut vaincu, la mort emporta le seul être qu’il avait aimé et détesté toutes ces années. Toga n’était plus là pour lui montrer la voie. Toga s’était détourné de lui et de sa mère, il les avait abandonnés. Il s’était sacrifié. Pour protéger son demi-frère, Inuyasha, et une vulgaire humaine. Il leur avait offert sa vie. Où était sa fierté ? Où était passée la force d’un Démon capable de renverser des armées ? Elle avait disparu, étouffée par cet amour détestable qu’il portait à ces êtres si faibles. Ils l’avaient tué. De façon indirecte, mais ils restaient responsables de sa mort.

Ils lui avaient arraché le peu qu’il possédait.

Oh, il avait des terres, des armes, des richesses. Mais une famille... ? Il n’avait qu’une Mère aussi aimante que distante, qu’un Père qui l’avait oublié. Son nom, son sang, coulaient dans ses veines, il recevrait son héritage. Sa destinée.

Mais Tenseiga lui porta le coup de grâce. Cette épée. Elle était capable de soigner, prétend-t-on même, de ressusciter les morts. Pourquoi son Père la lui avait-il donnée ? Se moquait-il de lui, s’agissait-il d’une ultime leçon ? Sesshomaru n’y vit qu’une plaisanterie cruelle. Si terrible que, saisi de rage, Sesshomaru commit une nuit entière de massacres. Il emplit la terre de sang et les enfers, de morts, espérant que leurs voix se porteraient jusqu’aux oreilles de son Père, où qu’il soit. Qu’est-ce qu’il attendait de lui ? Qu’il « protège », comme Lui ? Lui qui l’a abandonné, qui s’est sacrifié pour sauver une humaine misérable et son bâtard ? Sesshomaru ne savait qu’apporter la mort, c’était dans sa chair, c’était dans sa tête, il ne questionnait ni l’intérêt ni le plaisir qu’il y prenait, il n’y voyait qu’une revanche, un devoir, un besoin à satisfaire. Les êtres dotés de sa puissance n’étaient-ils pas dédiés à ravir les vies des plus faibles ? A purger le monde de cette vulnérabilité exécrable et insupportable. Quelle misère.

A moins que son Père ne veuille qu’il aille protéger ce semblant de famille ? Cette vie qu’il a fait loin d’eux, loin de Lui.

Il fallut des années. Des années, des siècles, avant que le message de son Père ne germe dans son esprit.

Tuer ne procurait plus aucun plaisir. Plus la moindre satisfaction. Il ne s’amusait plus des cris, des borborygmes, du sang sur ses griffes, de la chair entre ses mâchoires. Ses champs étaient constellés de cadavres auxquels il ne prêtait plus même attention. Il était puissant. Il le savait et n’avait plus le besoin de se le prouver.

Il suffisait qu’il se retourne pour constater tout le chemin qu’il avait parcouru, seul. Il fit la rencontre de Jaken, un Yokai d’une faiblesse exaspérante qui insista pour l’accompagner durant son voyage. Il accepta, à condition qu’il se montre utile : à cette époque, Sesshomaru n’envisageait pas même l’idée qu’une compagnie puisse être agréable. D’autres évènements ne firent que l’appuyer dans cette constatation : une armée de Yokai, sauvée par son père, émis le désir d’unir leurs forces aux siennes. Ce fut sans compter la rencontre avec le Clan Panthère qui balaya cette armée. Jusqu’à l’intervention de Sesshomaru.

Entouré de cadavres, Sesshomaru retrouva l’ivresse familière. Le désespoir, la rage, la rage, qui étira ses lèvres d’un rictus carnassier – si carnassier que son visage s’en déchira, libérant sa véritable forme. Cette nuit-là, le Chef des Panthères disparut alors que Sesshomaru laissait libre cours à sa haine, détruisant tous ceux qui se dressaient entre lui… et quoi ?

Ses années d’existence l’ont convaincu que l’intérêt n’est pas le but du chemin, mais celui que l’on parcourt. Il ne sait que trop bien ce qui les attend tous, en finalité : la mort. Il ne la craint pas. Elle ne l’a jamais effrayé. Il a dansé avec elle lors de tous ses affrontements, la menant par la main alors qu’elle entraînait sur son sillage tant de vies. Il les lui offrait sans réfléchir. Malgré la vie qui battait toujours à ses côtés. Tenseiga. Il n’avait jamais eu le cœur de l’abandonner, bien qu’il ne se soit encore jamais servi de son tranchant.

Et finalement, son chemin croisa celui de son frère. A de nombreuses reprises. Ils s’affrontèrent. Inlassablement. Et chaque combat ravivait des émotions que Sesshomaru ne pensait plus ressentir. Inuyasha réveillait… Réveillait une part de lui qu’il ne pensait pas connaître. Quand il s’apprêtait à lui porter un coup fatal, quelque chose retenait son bras, mépris, se justifierait-il. Accusant la faiblesse de son frère, trouvant une excuse, un besoin, de le garder en vie. Le tuer aurait été si facile, et pourtant, il n’y parvenait pas. Cette tension nouvelle était désagréable, mais délicieuse à ressentir. Il ressentait. Il vivait.
Ce fut sur la tombe de leur propre père qu’Inuyasha trancha son bras. La défaite eut un goût amer, un goût métallique. Ce n’était pas seulement son humiliation, non, c’était la saveur de son propre sang. De ce sang qui s’arrachait de sa plaie, en gerbes épaisses, visqueuses, le bouquet d’une humanité qu’il avait oubliée. D’une vulnérabilité qu’il avait complètement ignorée. Une autre blessure s’ouvrit. Bien plus viscérale. La mort.

La fin de son chemin.

Aussi puissant soit-il, il n’échapperait pas à cette destinée. Qui serait là pour le pleurer ? Qui serait là pour le protéger ? Ce jour, sa seule main ne trouva que la morsure du vent. Ce jour, seul le silence lui parvint. Sa marche fut longue, terriblement longue, alors qu’il titubait en maintenant son moignon.

Quelle valeur avait sa vie ? Quel était son but ?

Jusqu’à présent, son devoir était celui d’éradiquer les faibles. Inuyasha en faisait partie. Pourquoi, comment l’avait-il dépassé ? Comment ce vulgaire bâtard avait pu… le renverser ? La haine lui donna la force d’avancer, jusqu’à ce que ses dernières forces l’abandonnent. Sesshomaru reposa son dos contre le tronc d’un arbre jusqu’à s’asseoir à même le sol.

Ses yeux s’élevèrent vers le ciel, vers la Lune.

Que faire, maintenant qu’il n’occupait plus cette position de pouvoir ? Y avait-il un intérêt même à vivre s’il n’était plus puissant ? Elle qualifiait son existence. Elle lui donnait le droit d’exister. Mais aujourd’hui, il avait été vaincu.

Ses paupières se fermèrent à demi. Il sentit une brise glacée le saisir. Aucune caresse dans sa chevelure, aucune présence pour le réconforter. Il n’y eut que le silence. L’oubli. La négligence. L’ignorance.

Quelle valeur avait-il ?

Seule la Lune aurait pu lui répondre et elle se dissimula derrière des nuages épais. La vision de son Père se détournant de lui… le frappa de plein fouet. Sesshomaru eut mal. Au bras, au cœur, pendant des jours. Attendait-il de guérir ? Attendait-il… de mourir ? Il ne savait pas. Il attendait, comme si le temps lui offrirait des réponses.

Et Rin se présenta à lui. Une humaine. Fragile. Vulnérable. Insupportable. Elle vint à sa rencontre à sa plusieurs reprises. Lui offrant des vivres. Son attention. Il tenta de la chasser, sans réussites. Elle revenait toujours. Tant et si bien qu’il finit par tolérer sa présence. Il reprit des forces, grâce à elle. Un jour, il découvrit les traces sur son visage. Ces marques. Sans qu’il n’en comprenne la raison, il ressentit de la colère. De la rage. Pour ce village. Pour ces humains qui s’acharnaient sur cette pauvre fillette – n’y avait-il pas plus faible qu’elle ?

La plus faible des plus faibles vint s’occuper de lui. Lui apportant des vivres, de l’eau, sa simple présence. Sa bienveillance.

Pour la première fois de sa vie, une humaine vint à son aide.

Au fur et à mesure des jours, il finit par s’habituer à sa présence. Jusqu’à l’apprécier. Attendant sa venue, l’observant avec attention, effleurant sa joue du bout des griffes ou veillant à ce qu’elle n’ait pas froid lorsqu’elle venait se blottir contre lui.

Il apprit la compassion.

Ainsi. Quand elle s’écroula, sans vie, dans ses bras, il n’hésita pas. Il usa de son sabre. Tenseiga. Lui offrant la vie qu’on lui avait arrachée. Il prit cette enfant sous son aile. Il l’aima. Son âme si pure, si innocente, attisa bien d’étranges sentiments qu’il préféra enfouir au fond de son être, loin de sa conscience. Et pourtant, il n’était pas rare de le voir porter l’enfant sur son épaule libre, de lui tenir la main lorsqu’ils marchaient, de l’entourer de son écharpe, ou même, d’esquisser un sourire. Il découvrit à ses côtés d’autres émotions. La pitié, la joie, la tendresse, l’affection sincère. Sa vie. Sa vie avait de la valeurs. Il le comprit, lorsqu’elle levait vers lui ses grands yeux pour lui sourire. Lorsqu’il la voyait jouer dans l’herbe, courir après un papillon, ramasser des fleurs pour les lui apporter. Leur vie avait de l’importance. Et ceux qui en doutaient. Il les écraserait.
Sa puissance, elle reviendrait. Elle revenait. Dans ses veines. Dans son âme. Montant par vagues. Lentes, de plus en plus grandes.

Et pourtant, Sesshomaru continuait à s’interroger. Comment Inuyasha avait-il pu le vaincre ? Avec un bras en moins, il n’avait probablement aucune chance contre lu. C’est alors que Naraku se présenta à lui. Lui présentant un bras capable de s’adapter au sien. Sesshomaru n’hésita que quelques secondes avant de s’en saisir. A sa plus grande surprise, ce nouveau membre s’accorda parfaitement à son corps. De toute façon, ce n’eut été, à ses yeux, qu’un moyen d’atteindre le but qu’il s’était donné : renverser son frère et retrouver sa puissance. Quelle était sa place, en ce monde ? Elle n’était pas derrière lui. Elle n’était pas dans son ombre. Il ne vivrait plus dans l’ombre de qui que ce soit.
Lorsqu’il l’affronta une fois de plus, Sesshomaru n’hésita plus : il frappa. De toutes ses forces. Et manqua de le tuer ce jour-là. Pourquoi hésita-t-il une fois de plus ? Il le haïssait. Il ne supportait pas de l’avoir sur sa route. Mais il n’avait pas de raison suffisante de l’éliminer. Pourquoi faire ? Il reconnaissait sa force. Ses efforts. Et l’importance...l’importance qu’il avait dans son existence. Sesshomaru l’épargna. Il n’était pas, plus sa cible.

Et la suite des évènements ne fit que l’en convaincre. Le don de Naraku ne lui convenait pas. Pris d’un mauvais pressentiment, il n’hésita pas. Sa main valide se referma sur l’intru, qu’il arracha d’un grognement. Au sein de ce bras étranger, se trouvait une perle noire. Sesshomaru n’était pas tant intéressé à l’idée d’utiliser ces perles pour accroître sa puissance… Mais se méfiait de Naraku. De ce qu’il attendait de lui. Il avait conscience qu’aucune offrande en ce monde n’était gratuite. Son attention fut attirée par un mouvement et ses yeux se plissèrent. Naraku lui avait envoyé ses guêpes.

Ce fut la deuxième erreur de Naraku. La dernière fut le sacrifice de Kagura. Une mort jugée d’inutile, aux yeux de certains. Sesshomaru avait pensé à la sauver, mais Tenseiga n’était d’aucun secours face à une plaie comme la sienne – face à cette Mort qui l’habitait déjà. Le dernier sourire de Kagura fut l’eau froide dans laquelle fut plongée sa rage incandescente : sa détermination, telle la lame d’un sabre, n’en sortit que plus aiguisée.
Se débarrasser de Naraku devint une priorité. Une personne dont la disparition ne serait qu’une purge pour ce monde.

Une personne qui s’était moquée de sa puissance, qui les narguait depuis son trône, se donnant le droit d’infliger à ses serviteurs des morts inutiles sans un regard en arrière… Il était temps de le renvoyer à sa place.

Un sourire étira ses lèvres – au point d’en atteindre ses oreilles. Ses yeux s’étaient emplis de sang. Ses pupilles s’étaient aiguisées. Le temps de la vengeance avait sonné. L’affrontement envers son Nemesis éveilla le summum de sa puissance. Son pouvoir, bourgeon, fleurit : la force de sa volonté érigea à elle-seule une arme. Au tranchant imprégné d’un poison corrosif, de toute cette haine glacée qu’il avait ravalée, de cette rage qui avait détruit tant de mondes avant lui.

La fin de Naraku conclut une étrange alliance entre Sesshomaru et Inuyasha. Et par extension… entre Sesshomaru et l’humanité. Depuis sa fin, Sesshomaru n’a plus connu de massacres. Il erre, dans ce monde, accompagné de Rin, Jaken, Kohaku et même Anka. Mais il sent, dans l’énergie de ce monde, un déséquilibre. Une puissance suffisante pour le tenir éveillé la nuit. Aux aguets. Il a laissé Rin, en sécurité dans un endroit sûr. Il a repris les routes. Il est en chasse.

Il n’agit plus comme autrefois. Il ne cherche pas le sang, il ne s’intéresse plus au chaos, il n’est plus seulement guidé par le désir viscéral de destruction. Ces années, ces rencontres, ces défaites, ces victoires. Elles l’ont fait grandir. Assez pour qu’il comprenne, enfin, les propos de son père.

Sesshomaru s’arrache de ses pensées et élève les yeux vers le ciel. Le soleil chaleureux plonge ses rayons dans ses prunelles et cette fois, il le laisse l’inonder de sa lumière.

As-tu quelqu’un à protéger, Sesshomaru ?

Oui. Père.