the first time I met you. ft Ryuu

Cela fait des semaines et des semaines que tu es enfermé. Tu ne veux pas sortir. Tu t’es habitué à cette chambre, aux nombreux passages de l’exorciste en titre du Clan, et des visites inattendues de Shigure. Tu es dans un confort tranquille, dans un silence apaisant, dans un silence rassurant. Bien sûr, tu peux entendre au dehors les différents va-et-vient des exterminateurs. Ou encore le marteau qui frappe l’enclume pour fabriquer une nouvelle arme digne de ce nom. Ou encore les négociations de Nihonmatsu avec les habitants ou des étrangers.

Tu t’es acclimaté à tout cela. Depuis ta chambre.
Et uniquement depuis ta chambre.

Tu fais de nombreux cauchemars, ce qui pousse tout le monde à veiller sur toi, à prendre soin de toi comme d’un bébé. Tu ne sais pas si cela te déplaît. Tu n’es pas friand de toute cette attention, mais comme tout le reste, tu as su t’y faire. Tu n’as pas eu vraiment le choix. Ni d’endroit où te réfugier.

Au départ, on ne te laissait pas voir Akai comme tu le voulais.
Il semblait se faire plus facilement à cet environnement que toi.

Les premières fois où l’on venait te rendre visite, tu te préparais à être envoyé dans une arène. Devoir tuer d’autres enfants. D’autres combattants. Puis, les jours avaient défilé, et rien de tout ça n’était arrivé. Est-ce que cela te manquait ? Oui, en quelque sorte, parce que tu n’avais connu que ça. Tes premiers souvenirs remontent à cette petite cage sale, qui sentait la rouille et la pisse.

Rien de fabuleux.

Tu regardes par la fenêtre de la petite maison traditionnelle. Ou dois-tu dire, que tu es complètement affalé sur le rebord, à sentir l’air extérieur, le bras pendant jusqu’à quasiment toucher le sol. Un léger soupir s’échappe, alors que tes yeux s’élèvent vers les nuages qui couvrent la splendeur habituelle du ciel. Il ne fait pas super beau, mais il ne pleut pas non plus.

Les températures sont agréables aussi.

Tu aimes passer tes journées à flaner au bord de la fenêtre, et profiter de la nature. Tu n’en avais pas eu l’occasion pendant quasiment dix ans, alors tu rattrapais le temps perdu en quelque sorte. C’est au moment où tu allais refermer et t’allonger sur ton lit pour fixer le plafond que cette mélodie te parvient.

Tu te redresses et tends l’oreille.
C’est un sifflement léger, mais mélodieux.
Aigu mais enchanteur.

Tu regardes les environs, pour t’apercevoir qu’il y a beaucoup moins de mouvement qu’à l’accoutumée. Peut-être est-ce l’heure de manger ? Tu jettes un œil du côté de la forêt qui bordes le village et après avoir réfléchi pendant plusieurs minutes interminables, tu te décides à sortir discrètement de ta chambre.

De ton confort.

Intrigué, tu te diriges à pas de loup en direction de cette mélodie. Tu te mets derrière un arbre lorsque tu aperçois une silhouette. Quelqu’un qui fait quelque chose avec un bâton entre ses lèvres. Qu’est-ce que c’est ? Tu te le demandes bien. Tu t’approches alors discrètement et t’assois non loin d’un petit buisson, à demi caché, sans pour autant en avoir réellement l’intention.

Et tu écoutes.
Avec une attention qui te dépasse.

Tu n’es pas si caché. Mais tu n’y prêtes même pas attention. Le son que produit le bâton est si étrange que cela te rend curieux. Tu fronces plusieurs fois les sourcils, puis les hausses d’étonnement. C’est vraiment incroyable, tu te demandes si c’est un Yôkai, avant de te dire que tu ne ressens aucun Yoki.

A-t-il de la magie dans sa bouche ?
Ou use-t-il d’une ruse quelconque pour produire ce son ?

Tu es dans les buissons, derrière cet arbre, comme un animal sauvage. Tu n’as pas l’habitude de sortir de ta tanière, tu es le genre qui aime ce qu’il connaît, ce qui lui est familier. Pourtant, parfois, la curiosité arrive à te faire sortir de ton confort. C’est rare, mais comme aujourd’hui, ça peut se produire.

Des mots sont prononcés.
Tu regardes autour de toi, comme si quelqu’un d’autre était venu, t’avait suivi. Tu ne fais pas immédiatement le rapprochement entre cette question et ta présence. Tu reportes ton attention sur cette personne qui se remet à souffler dans le bâton ? Tu ne comprends pas comment ça fonctionne.

Tu ne t’approcheras pas. Tu es trop sauvage et timide pour cela. Tu ne le connais pas. Et tu n’as jamais été aussi loin dans le village. Tu n’aimes pas trop être ici. Tu as envie de retourner dans ta chambre, mais la curiosité te tient encore quelques minutes.

Tu ne réponds rien, tu ne bouges même pas. Il finit par se présenter. Exterminateur, Ryuu, du clan Yamada. Tu ne sais pas où c’est, tu ne les connais pas. Tu fronces les sourcils en te rendant compte que tu t’es éloigné de ta chambre, pour aller à la rencontre d’un inconnu.

Il ne fait pas parti de ton clan.
De celui qui te choie au quotidien.
Il n’est pas Shigure.

Tu recules de quelques pas, prêt à décamper, rentrer dans cette pièce et te mettre en boule dans un coin de la pièce, en attendant que le temps passe …

Tu penses à Shigure alors que tu regardes cette personne avec une lueur craintive. Elle avait si t'approcher, tu avais été jusqu'à lui toucher le visage. Jusqu'à caresser sa peau claire et propre. Contrairement à la tienne. Qui présentait encore trop de marques, trop de saletés, trop de cicatrices. Tu paraissais beaucoup plus sale qu'elle. De cette personne en face de toi aussi d'ailleurs.

Ses longs cheveux virevoltent doucement avec la brise. Leur mouvement est comme celui des feuilles d'un arbre en été, sauf qu'ils ne font pas de bruit. Tu as reculé un petit peu mais ton regard ne s'est pas détaché de lui. S'il fait un geste trop brusque ... Tu es capable de détaler à toute vitesse. Tu es sûr de toi, il ne te rattrapera pas.

La silhouette te demande si tu veux essayer. Il parle de musique, tu hausses un sourcil, penches la tête sur le côté. Qu'est-ce que la musique ? Tu n'as jamais connu ça. Tu ne sais pas ce que c'est. Est-ce qu'il s'agit du son que tu as entendu juste avant ? Est-ce que dans ce bâton, il dit que c'est de la musique ? Tu es si concentré par le sens de ses mots, que tu ne vois pas les changements d'expressions sur son visage.

Est-ce que Shigure avait pu t'approcher parce que c'est une fille ? Ou est-ce parce que tu avais immédiatement apprécié son odeur au point de la laisser te prendre dans ses bras ? Tu ne sais pas. Tu es trop jeune. Tu ne comprends pas tout ce qui se passe, surtout dans ce nouvel environnement.

Tout est nouveau.
Tout te fait peur.
Tout est trop grand.

Mais grâce à Shigure, tu étais sorti de la pièce où tu restes terrer. Si Eiko l'apprend, elle sera sûrement inquiète. Tu te feras peut-être disputer ... Est-ce qu'elle va te tuer ? Un frisson te parcourt.

Tu reportes de nouveau ton regard sur la personne aux cheveux longs. Tu retiens quelques mots qui sortent de sa bouche : "création, offre, secret" et ton intérêt est piqué. Tu te lèves doucement, te rapprochant de la bordure des arbres, sans pour autant la franchir. Tu avances timidement, posant tes petites mains sur le tronc d'un immense arbre environnant, te cachant de nouveau à moitié. Tu l'observes avec attention, la curiosité peut se voir dans tes yeux, sur ton visage.

Tu as envie de t'approcher.
Mais tu as encore trop peur.

« Tu as des cadeaux ? Pour moi ... ? »

Tu es si innocent. Tu as le comportement d'un enfant de cinq ans qui découvre la vie, les gens et la notion du bien et du mal.