"You're only disappointed in yourself" ft Yoko

La pluie s’infiltre dans tes vêtements. Insidieusement. C’est désagréable cette sensation d’avoir les vêtements qui forment une deuxième peau. Comme si elle cherchait à imprégner ta chair et se fondre avec elle. Tu relèves les yeux sur le ciel qui menace d’exploser, déversant ainsi une vague aussi puissante que celle de l’artiste Hokusai.

Tu laisses un soupir franchir tes lèvres.
Courage qui s’envole à mesure que tu approches.
Tu ne te sens pas bien d’être ici mais tu as senti que c’était nécessaire.
Pour revivre cet instant où tu es mort.
Pour essayer de comprendre la situation.
Pour … Devenir plus fort.

En quelque sorte.

Tu es mort …

Tes pas s’arrêtent un instant.
Tes sourcils sont froncés.
La douleur déforme tes traits déjà tirés par la fatigue.
Par les nombreux cauchemars qui te hantent,
lorsque par miracle, tu parviens à dormir un peu.

Tu as la sensation de ne plus pouvoir te reposer. D’avoir un sommeil si léger que même lorsque Anka se tourne dans la nuit, non loin de toi, tu te réveilles en sursaut en pensant que la faucheuse est venue terminer le travail. Parce que tu avais esquivé, non ? Tu avais combattu les limites de la mort, et tu en étais revenu. Indemne. Sain et sauf.

Physiquement du moins …

Un énième soupir et tes pieds franchissent la porte d’entrée de Komoro. Le sang est toujours présent par ci par là. Cependant, tu as la sensation que tout n’était qu’un autre cauchemar. Que tout ce qui s’est passé dans ce lieu maudit, n’était qu’une illusion.

Tu aurais préféré.

Tu t’enfonces un peu plus dans cet endroit désert. Le calme et le silence qui planent au-dessus de Komoro te rendent nerveux. Tu n’es pas comme Anka qui peut se transformer en dragon, cracher du feu et manipuler la glace. Ou même comme toutes les personnes qui étaient présentes ce jour-là, arme à la main, prêtes à en découdre.

Est-ce qu’en sachant que l’on peut combattre des Yôkais, ou peu importe ce dont il avait s’agit, on gagne en confiance en soi ? Est-ce que la peur s’amenuise ? Est-ce que la prise de risques devient plus naturelle ?

Tu te poses encore beaucoup de questions.
Pour peu de réponses.

Tu passes tes deux mains dans tes cheveux pour les tirer en arrière, la pluie te gêne et tes mèches blondes collés à ton front aussi. Tes yeux cherchent un signe de vie, inconsciemment, alors que tu avances vers cette cour qui a accueilli ton trépas.

Tu t’arrêtes.
Le cœur battant à tout rompre dans ton corps.
Tu le sens partout.
Tu l’entends au creux de tes oreilles.

Tu serres les poings, entrant malgré tout. Tu prends sur toi pour être courageux. Le sol est jonché de fissures, pour certains murs, on dirait qu’ils sont juste prêts à tomber, à rendre l’âme, à cesser de maintenir le visuel de cette carte postale inédite.

Des ruines.
Voilà ce qu’est cet endroit maintenant.
Tout comme toi, qui te cherches constamment.

Une étrange impression se cale au fond de ton ventre. Tu fronces les sourcils et fais volte face, fixant l’endroit d’où tu viens comme s’il y avait un fantôme. Ou comme si, un esprit allait apparaître. Après tout, cela ne t’étonnerait même pas. Tu attends, avec l’appréhension de croiser un Yôkai. Tu es seul ici, tu n’as pas dit à Anka où tu allais …

Vraiment, tu es dans une sacrée merde.

Tu regardes autour de toi comme si quelque chose allait surgir de nulle part. Tu n’es pas un exterminateur, ni même un Yôkai. Tu ne possèdes pas leur courage, leur force et leur instinct. Tu n’es qu’un pauvre humain qui a été invoqué à une époque beaucoup trop difficile pour lui.

Oui.
C’est vrai.

Ce monde-là, n’est pas le tien.
Tu te demandes si tu le considéreras comme ça un jour.

Malgré la panique, tu ne bouges pas d’un pouce. Est-ce la terreur qui te paralyse ? Ou un semblant de détermination ? Tu veux être plus fort pour combattre la mort, et cette fois la regarder droit dans les yeux. Tu ne veux pas que ton dragon de compagnie passe son temps à veiller sur toi. Il risquerait d’être blessé, et ce n’est pas ce que tu veux.

Tu contrôles du mieux que tu peux ta respiration alors que ton coeur bat à tout rompre dans ta poitrine. Tu lèves les yeux sur ce bâtiment immense qui a été témoin de ton trépas. Et tu te rappelles le regard d’Ishie, cette étrange vision qui est apparue alors que tu pensais passer de l’autre côté du rideau.

Étrange.

Soudainement, un contact sur ton épaule.
Une main qui te fait sursauter.

Tu recules d’un pas. Instinctivement tes mains se mettent devant toi, offensives, alors que les Ombres de ton nouveau pouvoir se lèvent. Une grande confusion est visible dans ton regard alors que tu es prêt à les envoyer sur lui.

Tu es épris d’un grand doute.

Tu remarques le ton doux de sa voix et le fait qu’il ne semble pas te vouloir de mal. Il parle poliment, te demande ce que tu fais ici. Il en vient même à préciser que c’est une zone dangereuse. Tu serres les poings pour baisser les bras, fatigué. Tes Ombres ne disparaissent pas, restant là, errantes dans cette cour maudite.

Tu ne sais pas comment les renvoyer d’où elles viennent.
À condition qu’elles aient un endroit où retourner …

« Je … ne sais pas trop pourquoi je suis revenu ici. J’imagine que je cherche des réponses. »

Un instant ton regard se perd sur les murs défoncés par les combats, sur le sol craquelé à cause des transformations des Yôkai présents, par les traces de magie qui traînent ça et là. Difficile de ne pas savoir qu’un grand conflit s’est déroulé ici même.

Tes yeux se posent de nouveau sur le nouvel arrivant.

« Qui êtes-vous ? »