Takumi Yuudai || Light is easy to love. Show me your darkness

Tes premiers souvenirs sont les bras chaleureux de deux parents. Tes premières sensations se trouvent dans ce sol ravagé par la guerre. La première chose que tu as su faire, c’était modeler. Modeler le bois. Modeler la terre. Tu aimes donner des formes et dans ce moment-là, tu souriais pleinement. Sous un regard aimant. Leurs mains se joignaient aux tiennes tandis qu’ils t’apprenaient. Te murmuraient à quel point ils t’aimaient. Dans un village où vivre était une peine. Dans un village où vous n’aviez que ça pour survivre. Une petite famille, quelques vivres. Entourés d’arbres qui brûlaient chaque jour un peu plus. Au loin, les nuages étaient orageux. Ton ventre sonnait creux. Le vent vous hurlait de partir plus loin. Mais vous n’en aviez pas le moyen. La guerre viendra frapper, c’était une vérité dont tous les adultes avaient conscience. Les enfants restants ignorants. Ces derniers n’étaient pas préparés pour cet instant.

Personne ne l’était.

Tu n’as jamais compris grand-chose à la politique. Mais tu sais que dans cette année-là, votre clan s’était soumis à un homme. Les Satomi se battaient contre les clans Go-Hojo. Et ces guerres venaient atteindre votre tranquillité.

C’est avec ce regard autrefois innocent que tu observes. Observes ce corps mis à nu. Entendant les cris et elle qui hurle. Les pleurs te déchirent. Te hantent et te paralysent. Ton père en train de saigner et tu te sens mourir. Pourtant, tu te décides à bouger. Tu sens l’adrénaline monter et tu te jettes sur eux. À corps perdu. Comme si la folie te gagnait, en même temps que l’odeur des morts que tu sentais à plein nez. Quelques coups et te voilà assommé. Ce n’était pas comme si tu avais été tué. On a préféré te garder. Tu étais jeune, mais cela te rendait prometteur. Sous les ordres de samouraïs qui t’avaient enlevé à ton père. Qui avait fait du mal à ta mère. Tués bon nombre de tes compères. Tu étais destiné à leur obéir. Au point d’en vomir.

Tu t’es forgé comme un rebelle.

Tu étais celui qui refusait de se taire. Malgré les coups que tu pouvais prendre. Malgré les insultes. Cette impression d’être face à la mort. Tu étais persévérant. Tu étais celui qui se défendait, qui ne voulait pas se laisser marcher sur les pieds. Lorsque quelqu’un d’autre se faisait mépriser, tu allais l’aider. Aux dépens de ton propre sang. Il y eut cette fois où tu fus trop insupportable. C’était face au seigneur que tu fus désagréable. Tu avais des capacités, tu étais endurant et tu avais de la force dans les bras et les jambes. Cependant, s’ils voulaient te garder, ils ont décidé de te faire comprendre ce que tu faisais. Les erreurs que tu commettais. C’est ton corps qui en a été marqué. Marqué au fer rouge sur ta poitrine. Une terrible douleur qui hante encore tes souvenirs.

Pourtant, tu t’étais refusé de vivre comme un chien.

Et alors que tu grandissais, en même temps que tu maigrissais. Que tu périssais… Tu t’étais décidé à fuir. Avec d’autres jeunots dans ton genre. Vous vous êtes lié. Vous vous êtes promis de partir. Un plan organisé, et dans le désespoir une course vers une échappatoire. Vous ne gagnerez que l’effroi. Tu te rappelles de cette lame qui déchire ta chaire. Ainsi que tous ces êtres chers. Ton corps se refroidissait, mais, ce liquide chaud se déversait. Tu allais mourir comme un minable. Ton regard se faisait vide. Tes lèvres s’asséchaient. Pour les idiots prêts à fuir, seule la mort était possible. Vos cadavres allaient pourrir là. Ils sont partis. Vous ont délaissés, sachant pertinemment que vous alliez vous décomposer. Que vos âmes ne méritaient pas d’aller dans l’au-delà.

Pourtant, tu étais encore là.

Ils étaient loin. Tu sentais ton esprit divagué. Mais, malgré la douleur, une flamme t’incombait de te relever. Tu as forcé sur tes bras. Abandonner une fois. Puis réessayer. Te relever. Chuter. Recommencer. Jusqu’à ce que tu puisses faire un pas. Un autre. Et encore un. Appelant les noms de tes compagnons. Seul. Tu avances et titubes. Derrière toi, tu laissais cette marque rouge et tenace. La fatigue te prenait. Et au bout de longues minutes. Tu chutes. Sur une pente où tu sentiras ton corps se faire lacéré par la terre. C’était comme tombé dans un cratère. Tant l’impact t’avait paru cruel. Au sein de tes iris, se reflétait ce sang dont tu te vidais. Tu désespérais. Un miracle que tu sois encore en vie. Mais cela allait-il suffire ? Allais-tu survivre ? Tu vois rouge. Ce liquide te recouvre. Tu souffres. Bouge.

Bouge !

Tu te réveilles en sursaut. Tu t’arrêtes net en sentant la douleur qui te prend d’assaut. Les souvenirs surgissent. Tu réalises. Ton corps était couvert de bandages. Au travers de la fenêtre, tu constatais ne pas être dans un village. Juste une maison de campagne… Sans doute… Où étais-tu ? Ces réponses arriveront bien rapidement. Car deux présences arrivent lentement. Une bête en toi s’éveille. Et face à eux, tu agis comme un animal blessé. Prêt à les tuer. Prêt à se défendre. Affamé et terrorisé. Mais leurs sourires rassurants te rappellent tes parents. Tu baisses ta garde, automatiquement. Ils t’ont trouvé. Soigné. Caché. Car une marque sur ton corps traduisait parfaitement ce que tu étais. Un rebelle, sans aucun doute. Te dénoncer serait plus simple, sans aucun doute. Pourtant, ils ne faisaient rien. Tu ne parlais pas. Tu leur offrais un regard noir. Sans pour autant te montrer agressif. Et puis les jours ont passé. Tu as donné un nom. Tu as salué. Tu disais oui ou non. Tu as conversé. Mais pas très longtemps. Tu ne voulais pas rester. Ces terres, tu les maudissais. Tu voulais t’éloigner, espérer ne plus jamais avoir à y retourner. Alors, lorsque ton corps te l’a permis…

Tu es parti.

Un chien errant. Cherchant une nouvelle tanière. Avec son tempérament. Et qui dormait sur la terre. N’avait qu’une chose en tête. Aller plus loin. Toujours plus loin. Pour survivre, cette bête a volé. Pour survivre, cette bête a tué. Usant de tous les moyens si cela lui garantissait une journée de vie en plus. Sur son objectif, il était focus. Il s’est offert une épée, en étranglant un voyageur qui dormait. Il s’est offert à manger, en chassant ceux qui en possédaient. Tu as rejoint différents groupes. Ne restant jamais bien longtemps. Tu étais jeune. Mais déjà un tueur. Dans ton regard, tu avais cette lueur, et c’est seul, que tu parsemais ce pays ravagé par cette guerre que tu as toujours détesté. Ne cherchant qu’à laisser ce cœur battre.

Ayant cette volonté de se battre.

Puis tu as rencontré ces gars-là. Des mercenaires. Et tu as été confié à lui. Megumi. Araki Megumi. Tu n’étais qu’un sale gosse sortant de son adolescence. Qui était un impulsif. Un impoli. Un chien enragé, qui cachait tant bien que mal ses blessures. Au début, votre duo était terrible. Aussi bien que votre entente. Tu ne l’aimais pas. Tu n’aimais pas sa façon de t’éduquer. Et tu avais cette impression d’être dressé. Cela t’insupporta. Pourtant, au final, quelque chose s’est créé. Un lien infaillible. Pour la première fois de ta vie, tu ne voulais pas partir. Tu ne voulais pas quitter ce groupe. C’était un peu comme une nouvelle famille. Mais il y eut une complication dans cette nouvelle vie.

Megumi.

Tu avais appris à le connaître. À savoir comment il était, derrière ce masque sévère. Et petit à petit, malgré votre différence d’âge, tu te sentais… Proche de lui. Très proche. Mais non. Ce n’était pas ça. C’est que tu voulais être proche de lui. Le connaître toujours plus. Lui dire que tu l’aimes. L’entendre dire qu’il t’aime. Des désirs que tu éprouvais pour la première fois. Sa voix ? Elle ne t’était que trop agréable. Son visage ? Plus qu’enivrant. Son caractère ? Enchanteur. Tout en lui te plaisait. Et cela avait fini par envahir tes pensées. Tu essayais de rester concentré. Mais le temps passait, moins ça allait. Tes sentiments étaient profonds. Tu étais rempli de nouvelles émotions. Et même si tu le connaissais. Tu ne saurais pas comment il réagirait. Si tu lui disais, allait-il finalement te détester ? Si tu lui disais, est-ce que cela allait dégénérer ? Ce n’était pas sérieux. Vraiment pas sérieux. Tout ne devenait qu’un poids. Tu te sentais lourd. Il était lourd. Cet amour. Était-il ton salut ou ta damnation ? Cela commençait à te hanter. À te déconcentrer. Tu commençais à ne plus savoir quoi faire de cette peine. Tu n’avais pas envie de devenir un boulet.

L’idée de les quitter t’a traversé.

Était-ce avec ton cœur qu’on jouait ainsi ? Tu ne supportais plus. Tu ne voulais plus. C’était à sens unique. Tu le savais. Cela te brisait. Après des réflexions. Trop de réflexions. Tu as fini par prendre ton départ. D’un regard plat. Sans explications. Tu leur as tourné le dos. Tu n’as pas fait l’effort de te retourner. Bien que l’envie ne faisait que te lacérer. Tu n’as pas dit au revoir. Comme un voleur. Comme un rat. Tu décidais de retirer ta laisse.

Pourtant, tu gardais ce collier sans cesse.

De nouveau, tu as voyagé. Comme un mercenaire solitaire. Sans qu’ils ne quittent tes pensées. Sans qu’il ne quitte tes pensées. Tu grandissais. Et tu as fini par devenir plus blasé. Tu t’es adonné à des vices. Tu as cherché à combler ces désirs. Ces envies. Et si tu pensais à Megumi, tu espérais pouvoir passer à autre chose. Couchant avec une, puis un autre. T’essayant à plusieurs expériences. Laissant toujours ce goût amer au fond de ta gorge. Ton caractère à suivi. Ton comportement n’était plus vraiment celui d’avant. Tu étais devenu plus détestable. Plus méprisant. Autant que tu méprisais parfois les gens. Ton regard assombri, tu avais ce sentiment de vide.

Pourquoi n’arrivais-tu pas à l’oublier ?
Tant dans les baisers. Que sous les draps. Tant avec une femme. Qu’avec un homme.
Megumi était le seul que tu aimais.

Les années ont passé. Au final, tu as fini par les retrouver. Eux. Lui. Mais des choses semblaient t’avoir échappé. Pourquoi était-il dans cet état ? Pourquoi était-il dans le coma ? Megumi était ravagé par des blessures. Tu n’aurais jamais dû partir. Tu n’aurais pas dû. Était-ce de ta faute ? Était-ce à cause de toi ? Parce que tu n’avais pas supporté cet amour à sens unique ? Et pourtant… Réjouis-toi. Réjouis-toi. Pleure de joie. Car à son réveil, ses souvenirs ne sont que des fils emmêlés. Tu es devenu l’amant dont tu avais toujours rêvé. Tu as vu cette chance.

Tu l’as saisi, égoïstement.

Tu t’en délectes tandis que la confusion règne.