Post-intrigue. Ouvert à tous.

_ Prenez le temps nécessaire, Ōzora no Koe-san.

Une telle compassion est inhabituelle de sa part. La Mort reste Sa compagne et Sesshomaru sent Sa présence l’entourer. Elle sourit, glissant ses bras autour de ses épaules, effleurant son bras.

Le carnage qui les entoure est, tristement, familier.

Finalement, ses yeux se détournent. Effleurant l’épaule d’Oz, il s’éloigne d’un pas lent. Le sol porte les traces du dernier affrontement. Les cadavres gisent. Ses prunelles adressent une œillade à Ken et Anka, plus loin. Le souvenir de son cri lui revient, celui de sa lame tranchant sa chair, l’acide qui le ronge.

Il n’en tire aucune satisfaction. Qu’une aigreur qui persiste dans son esprit, semblable aux fragrances métalliques qui imprègnent l’air. Il inspire cet air vicié sans ciller, cherchant, du regard, celles, ceux et celleux que la Mort effleure. Sa main caresse Tenseiga.

Il n’y a pas de mourants.

Que des morts, des vivants. Un soupir s’arrache songeusement de ses lèvres, ses yeux perçoivent au loin Sasori et Akane. Ils ont parvenu à blesser leur adversaire. Un adversaire qui a fui face à lui. Cette constatation le fait plisser les yeux.

Combien d’êtres a-t-il interposé pour se protéger ? Dont un simple mortel.

L’idée de s’excuser ne se présente pas, bien qu’elle aurait été évidente pour certains. Alors qu’il va pour enjamber un corps, un souffle attire son regard.

Kuro. Il le reconnaît. Le jeune homme tétanisé. Plus loin, le corps d’une jeune femme gît au sol. Cette femme. Il plisse les yeux. Qui est-elle ?

Oh. Il se souvient à présent. Elle l’a abordé, avant même le commencement de ces évènements. Sans une once même d’hésitation. Son audace l’avait pris de court. Sesshomaru n’est guère accoutumé à ce qu’on vienne directement à sa rencontre.

Est-elle morte ? Demande-t-il à la Mort. Il hume l’air, mais ne sent pas Sa présence. Cela aurait suffit, en temps normal, pour qu’il s’écarte.

Mais dans sa manière de l’aborder, elle a su attirer son attention. Lui rappelant probablement la simplicité de Rin ou la bravoure de Kagome. Une spontanéité à laquelle il n’est plus accoutumé.

Ses yeux reviennent s’unir à ceux de Kuro. Protecteur, il se tient près d’elle.

Lentement, Sesshomaru s’agenouille près d’elle et retire en partie son écharpe cotonneuse pour l’étudier du regard.

_ Est-elle blessée ? Demande-t-il à Kuro.

Avec une surprenante douceur, il recouvre le corps de la jeune femme pour la protéger du froid.

_ Viens. Eloignons-nous de ce charnier, soupire-t-il. Avec force et délicatesse, il soulève Shigure. La maintenant contre lui, entourée de son écharpe, il fait un pas en avant, avant de tourner les yeux vers Kuro. Le voir figé, tétanisé, lui fait légèrement froncer les sourcils.

_ Viens, Kuro.

Cette fois, il a prononcé son nom. Avec calme. Fermeté. Et une douceur à laquelle il n’est pas accoutumé.
Sesshomaru est né dans le sang. Il a grandi, nourri de massacres et de carnages. Gavé qu’il n’en tire plus le moindre plaisir. Il s’est lassé du monde. Détaché de la seule raison pour laquelle il avait dédié sa vie : celle d’être supérieur. Celle de purger cet univers des êtres faibles qui pullulent, de cette vermine qui l’encrasse, mené par la Mort et sa danse captivante.

Tout s’est effondré lorsqu’il a été vaincu une première fois par son propre frère. Lorsqu’il a vu qu’il pouvait vivre malgré cette défaite.

Tout s’est écroulé lorsque leur ennemi commun s’est écroulé sous leurs coups, que son destin s’est fini sous sa lame. Sa vie continuait. Vide de sens.

Il errait, errait, cherchait des réponses ou un but auprès des autres, sans le trouver.

Jusqu’à ce combat.

La guerre l’a enfanté. Elle l’a nourrie. La Mort l’a accompagnée, l’a bercée, a fait ce qu’il est aujourd’hui.
Sangeki et ses comparses ont brisé tant de vies aujourd’hui – et ont fait l’erreur de l’épargner. Il a de nouveaux adversaires à évincer.

Et pourtant, c’est Shigure qu’il garde précieusement contre son torse, ses yeux plantés dans ceux de Kuro pour le convaincre de le suivre. C’est auprès des faibles qu’il s’était juré d’exterminer – qu’aujourd’hui, il s’éternise.

Il pense à Rin.

Rin n'a jamais eu peur de lui. Combien même lui a-t-il montré les crocs : elle revenait toujours à lui, jusqu’à se reposer contre lui. Elle lui avait offert sa confiance. Elle se sentait… en sécurité auprès de lui.

Ce garçon avait peur. Il était terrorisé.

Sesshomaru baisse les yeux, détourne le regard. Comment devait-il réagir ? Songeusement, sa main se referme sur l’écharpe qu’il garde entourée autour du corps de Shigure, avant qu’un soupir ennuyé ne franchisse ses lèvres.

_ … Tu n'as plus à craindre, à présent. C'est terminé.

Il n'a pas conscience des fantômes qui peuvent le hanter.

Pour lui, ce qui est mort - reste mort.

Sesshomaru s’éloigne jusqu’au mur d’une des bâtisses et s’assoit à même le sol. Il allonge Shigure et repose sa tête contre sa cuisse. Gardant l’écharpe sur son corps, il évade songeusement ses doigts griffus le long de son front, attendant à ce que Kuro s’installe près d’eux.

Sesshomaru récupère la pomme qu'il conserve sur lui et la croque du bout des lèvres. Fendant la chair de ses crocs, il laisse le jus sucré humidifier les lèvres de Shigure quelques minutes, espérant l'éveiller. Il rompt le fruit entre ses mains et tend à Kuro l'autre moitié sans plus le regarder.